Pèlerinage Petit St-Bernard - Rome 1.7.-12-8.2000 Michael Rigaut
Avant propos
Le tracé de la Via Francigena nous est connu surtout par
le récit de voyage d’un illustre pèlerin, l’archevêque de Canterbury qui au
onzième siècle alla chercher son pallium à Rome. C’est grâce aux indications
qu’il a laissées que des générations de pèlerins, connus ou anonymes, ont pu se
rendre à Rome jusqu’à aujourd’hui.
En l’année du jubilé, nous
(un camarade séminariste et moi même) désirions nous rendre en pèlerinage à
Compostelle, mais les JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse) se déroulant à
Rome, nous avons donc eu l’idée d’aller dans la Ville Sainte à pied. Nous avons
cherché longtemps quelle route « historique » pourrait nous y
mener quand nous découvrîmes l’existence de la Via Francigena.
Nous avons acheté une carte d’Italie (1/300000) et y
avons reporté les villes situées le long de la Francigena (à l’époque il n’y
avait pas encore de guide édité…du moins pas à ma connaissance). Nous avions
ainsi une idée approximative de la physionomie de la route, et de sa longueur
(l’ordinateur nous donnait un minimum de 990 km!)
Le séminaire prenait fin le 27 juin, le temps de faire
quelques préparatifs, d’acheter ce qui manquait, de peser et boucler les sacs (16 kg avec les 2 litres
d’eau…beaucoup trop !), et le 1er Juillet, nous nous faisions déposer en
haut du col du petit St Bernard, côté français. En effet, partir du Grand
Saint-Bernard posait trop de problèmes. Il restait là encore d’impressionnantes
plaques de neige!
D’un commun accord nous avions décidé de ne pas emmener
de tente ni d’argent liquide devenant ainsi, tels d’authentiques pèlerins,
dépendant de l’accueil et de la générosité des gens, dépendants de la
providence divine...
Le journal de voyage suivant a été fait à partir de
notes prises chaque soir. Le style est donc changeant selon que la journée
avait été plus ou moins facile.
Qu’on veuille bien donc
être indulgent avec cette prose, mais j’ai désiré garder la spontanéité et la
« naïveté » des impressions premières et le style particulier d’une
rédaction morcelée : répétition de certaines formules, aspect rébarbatif
etc.
On remarquera que mon
intérêt s’est principalement porté, non pas tant sur les monuments et les
paysages, mais sur les personnes rencontrées. Ceci est je crois le fait de la
démarche spéciale du pèlerin qui, dans son dénuement, doit tout à son hôte.
Bien entendu, cela n’enlève rien à l’émerveillement bien réel devant la beauté
des lieux traversés.
J’assume – bien que
quelquefois à regret – la paternité de mes jugements et de mes appréciations.
Ces dernières – est-il besoin de le rappeler – n’engagent que moi.
N’étant pas
« italianisant », les fautes de graphie des mots italiens sont
restées…qu’on m’en excuse.
Enfin, il y a dans ce
pèlerinage un aspect humain et surtout spirituel qu’il ne m’a pas été possible
de passer sous silence au risque d’agacer le lecteur, mais en faisant l’impasse
sur ma foi j’aurais trahi l’esprit de cette aventure.
Propos recueillis le Père Paul
Destable et Pierre-Yves Stucki, Rome Direct
© Equipe Nationale JMJ 2000
(Journée Mondiale de la Jeunesse)
- tous droits réservés
Le voyage
01/07 PETIT
St BERNARD / MORGEX
Nous partons du col du petit St Bernard à 13h30. Après la
traditionnelle photo de départ nous commençons notre périple, un peu anxieux
mais impatients d’en découdre. Les premiers kilomètres semblent faciles, mais
bien vite la route monte et les raccourcis eux-mêmes semblent pénibles Nous
montons le col San Carlo (1971 m) pour redescendre de l’autre côté. Il est
bientôt 19h quand nous décidons d’envoyer nos anges gardiens et Marie préparer
le terrain pour l’étape du soir. Nous avons alors fait 23 km (plus ou
moins).Après un échange infructueux avec une charmante grand-mère, nous
poussons la porte d’un presbytère. Nous sommes à Morgex, dans la vallée de
Suza.
Nous sommes accueillis par
le père René ROUX, le curé, qui nous laisse une salle et nous propose de
partager son repas. Ce dernier est exquis et copieux...car à vrai dire nous
mourrions de faim. Nous sommes rapidement calés, et nous avons même droit à un
petit digestif et à une gelatto. Nous échangeons longuement et posons beaucoup
de questions. Nous pouvons parler français car notre hôte connaît notre langue.
Le père nous propose de dire les complies avec lui (en français s’il vous
plaît!!)...puis nous nous accordons une bonne nuit de sommeil.
01/07 MORGEX / AOSTE
Nous avons la messe à MORGEX avant notre départ. Le père
ROUX nous remet une enveloppe contenant le don d’une certaine Anita, 86 ans,
qui se confie à notre prière. Elle a beaucoup souffert (elle a perdu 4 de ses 5
fils).
Le curé
nous prend en photo devant l'église et nous partons. La route est pénible car
fréquentée par de nombreuses voitures. Nous faisons halte à midi dans un
charmant village, AVISE. Pendant cette pause, je m’improvise chirurgien en
incisant les nombreuses ampoules de François.
La chose faite, nous
rechaussons et repartons. Devant l’inclinaison de la route que nous pensions
emprunter, nous décidons de regagner le fond de la vallée et de suivre la
grande route.
Celle-ci semble ne plus
finir et François souffre d’un peu partout. J’essaye de le motiver comme je
peux mais les derniers kilomètres s’étirent indéfiniment.
C’est tard, trop tard, que
nous atteignons le centre d’Aoste, après 4/5 km de faubourgs, et en tout une
quarantaine de kilomètres.
Nous nous dirigeons vers la
cathédrale puis vers le grand séminaire qui « regrette » de ne
pouvoir nous héberger. On nous conduit chez des sœurs qui ne peuvent pas nous
accueillir non plus car elles n’acceptent pas de « ragazzi », de
garçons.
Enfin nous sommes amenés au
presbytère de la paroisse St Stéphane. Après une légère hésitation, le curé
nous permet d’utiliser les locaux de la paroisse.
La fatigue se fait
cruellement sentir. C’est l’heure du bilan...qui n’est pas très bon. Après un
moment de tension entre nous, vite désamorcé, nous mangeons la fin de nos
provisions de secours.
François ne pense pas pouvoir
marcher le lendemain. Nous aviserons. En attendant, le moral n’est pas très
haut, les pieds sont pleins d’ampoules et les membres douloureux.
Peut-être en avons-nous
trop fait? Il faudra à l’avenir prendre un rythme moins effréné. C’est du moins
le constat que nous dressons. Après une séance de kiné, nous nous écroulons et
prenons un repos réparateur.
03/07 AOSTE / SALERA
Nous
décidons de nous lever à 8 heures et d’assister à la messe. Nous pensions
téléphoner au Foyer de Charité de Salera pour voir si quelqu’un pouvait venir
nous chercher quand le curé de St Stéphane qui allait dans cette direction nous
propose de faire un crochet pour nous y déposer : merci la Providence!
A 10h30 nous arrivons à
Emarèse. Nous sommes accueillis par Angéla, très contente de nous revoir. Elle
nous installe dans la « roulotte » qui se trouve être très
confortable.
Le repas est le bienvenu,
voici en effet 24 heures que nous n’avalons que des soupes et des plats
déshydratés.
L’après-midi n’est qu’une
longue sieste ponctuée de massages. Nous partageons le repas du soir avec la
communauté.
04/07 SALERA / DONNAS
Le matin, on nous propose
de nous déposer après la route fréquentée – et donc dangereuse – pour commencer
directement par de plus petites routes.
C’est une étape assez
courte (15 km) qui nous conduit jusqu’à Donnas. Nous trouvons quelqu’un à la
paroisse qui nous emmène à un foyer pour les pèlerins.
Le président de
l’association qui nous prête ses locaux nous rejoint sur les coups de 19h.
C’est « ELIO ». Le type même de l’italien, la cinquantaine
grisonnante, gesticulant, tout sourire, parlant vite et très fort.
Il déboule dans le gîte en
levant les bras au ciel et en criant: « Bonjououour! » (bis), un peu
comme un présentateur italien de variétés débarquant sur un plateau de télé
devant ses fans.
Au repas nous mangeons une
platée de nouilles monumentale, avec en dessert une banane recouverte de
Nutella (on en a déniché un pot d’1
kilo dans les provisions du gîte!)
Le soir, François commence
une lutte sans merci contre les « maringouins », lutte qui ne prendra
fin qu’avec la nuit.
05/07 DONNAS / IVREA
Elio est là le matin. Il se propose de nous déposer un
peu plus loin pour nous éviter la route fréquentée. Nous acceptons. Nous
apercevons pendant le trajet un bout de la voie antique.et donc de la Via
Francigena qui existe bel et bien! Nous arrivons en vue d’Ivrea. C’est un gros
bourg, le plus important depuis Aoste.
Nous décidons de monter à
la cathédrale pour y trouver l’évêché. Nous y parvenons et demandons où l’on pourrait trouver
l’hospitalité. Un prêtre nous accueille. Visiblement ce genre de situations a
été prévu. Il a une liste des lieux et des personnes susceptibles d’accueillir
les pèlerins. Après deux coups de fil infructueux, il appelle une dame qui accepte.
Elle vient nous chercher à l’évêché et nous emmène chez elle. Nous apprendrons
plus tard qu’elle s’appelle Paola.
Elle et son mari, Tito,
ainsi que leur fille, Maria Grazzia, habitent une splendide (et gigantesque!)
maison sur les hauteurs de la ville.
Après une douche et un peu
de repos on nous invite à passer à table. Le repas est convivial et animé. Nous
y parlons anglais, italien et français. Tant bien que mal on se comprend
toujours. Après ce moment de détente « en famille », nous regagnons
nos appartements pour la nuit.
06/07 IVREA / SANTHIA
Mme CONTI nous dépose à Bollengo, aux portes de la ville.
Le début du parcours est
agréable, mais nous arrivons vite sur une route « rouge » avec
beaucoup de circulation. Nous dépassons Cavaglia qui était initialement notre
étape et mettons le cap sur Santhia.
C’est un gros bourg (10.000
habitants) qui s’étend tout en longueur. En son centre, la collégiale : le
presbytère ne devrait pas être très loin. Nous entendons des cloches, il y a un
office. Nous pensons « débarquer en touristes » dans l’église quand
nous apercevons soudain qu’il s’agit d’un enterrement.
Après la cérémonie nous
avisons le prêtre (relativement jeune) et nous lui faisons notre traditionnel
« speech ». Il nous mène vers un local approprié et insiste pour nous
apporter des « toasts » (des panini en fait) et des boissons
fraîches. Il est accompagné d’un
séminariste du diocèse de Vercelli. Il nous donne rendez-vous à 19h30 pour le
repas.
A l’heure dite il nous
entraîne dans la grande rue et entre dans une pizzeria. C’est le grand luxe!
Nous passons une très bonne soirée où nous posons beaucoup de questions tout en
engloutissant une gigantesque pizza. Puis dessert, re-dessert et digestif (une
liqueur au citron). Le propriétaire est napolitain et nous fait goûter quelques
spécialités de son pays.
Nous retournons au
presbytère où nous parlons de choses et d’autres. Sur ces entrefaites, il nous
glisse une enveloppe en nous disant que cela pourrait nous servir. Elle
contient 150.000 lires, l’équivalent de 300 F. Nous le remercions
chaleureusement et échangeons nos adresses. Il nous propose même un stage
paroissial à Santhia pendant les vacances. Il nous dit au revoir sur le pas de
la porte, et nous allons nous coucher.
Demain; direction Vercelli,
une grosse ville où se trouve le séminaire, qui, prévenu par don Paolo, le curé
de Santhia, nous accueillera demain.
07/07 SANTHIA / VERCELLI
Nous engloutissons en marchant quelques gourmandises
achetées dans une pasticeria et quittons Santhia pour Vercelli. La route n’est
pas très agréable mais nous marchons d’un bon pas. R.A.S quant aux bleds
traversés.
Nous arrivons en vue de
Vercelli, une grosse ville sise au milieu des rizières. Nous savons que nous
sommes attendus par le grand séminaire. Nous l’atteignons. Effectivement notre
arrivée était attendue. On nous montre notre logement: deux belles chambres
avec lit, bureau et salle de bain. Tout est neuf et très propre. Les bâtiments
sont superbes, l’ensemble est imposant, de style baroque pour le plus ancien
(300 ans). Au moment du repas, on nous introduit dans une grande salle à
manger, splendide, où a été dressée une table, comme pour un banquet. Sept
couverts sont mis. Un prêtre nous y rejoint, bénit la table et nous invite à
nous servir. Ce sera le seul convive, avec nous. Il ne parle pas français,
aussi la conversation est-elle limitée. Tout est très bon et très beau, mais
cette table immense, dans cette grande salle, avec des convives fantômes nous
donne l’impression d’être dans le château de la Belle au bois dormant…
Après une bonne nuit, nous prenons dans cette même salle
un copieux petit dèj’, mais toujours sans personne dans cette immense bâtisse
que nous semblons être les seuls à occuper.
Nous partons sans vraiment
avoir l’impression de quitter quelqu’un. Direction Robbio, toujours au milieu
des rizières...et des moustiques.
La route est longue,
droite, et toujours le riz à perte de vue, avec les moustiques comme compagnons
de voyage. L’asphalte est jonché de hérissons tout plats, de chiens desséchés,
de grenouilles lyophilisées, d’oiseaux morts. Tout cela au milieu des odeurs de
vase et de gas-oil.
Le soleil tombe dru et fait
bouillir l’eau de nos gourdes.
Nous arrivons à Robbio,
gros bourg avec en son centre une très belle église. Visiblement nous portons
malheur car nous arrivons ici aussi en plein milieu d’un enterrement. A la fin
nous rencontrons le curé, un homme d’une cinquantaine d’années, discret mais le
visage ouvert. Il réfléchit un instant puis nous propose de le suivre au
presbytère, une belle maison accolée à l’église. Il y vit avec sa mère (un
charmante grand mère), et son chien, un monstre de berger allemand qui répond
au doux nom de ROCKY. Nous sommes très vite installés (ceci dans la chambre
d’un séminariste que nous chassons pour l’occasion!), et l’on nous propose même
de laver notre linge (pour la plus grande joie de François dont c’était le jour
de lessive...). Pendant que François fait ses étirements quotidiens (environ 2
à 3 heures par jour..!) je vais à la pharmacie chercher les produits qui nous
manquent. Le père me propose de m’accompagner car je ne sais pas où elle est.
Il se fait mon interprète. Je demande ce dont j’ai besoin et nous quittons la
boutique sans que j’ai eu le temps de sortir mon porte-monnaie: le prêtre, en
riant et en me poussant dehors me dit: « ici on ne peut jamais
payer!! »
Le soir on nous prépare
un repas copieux et varié.
François décide pour la
nuit de prendre la chambre qui sert d’ossuaire (de remise à reliquaires) et dort
paisiblement entre deux fémurs et une vertèbre de St Félix!
09 07 ROBBIO / MORTARA
Le lendemain, dimanche nous allons à la messe
paroissiale. Le curé parle de nous en chaire, les gens se retournent, curieux
et bienveillants, et il évoque longuement le St Curé d’Ars.
A la fin, nous sommes
assaillis par une foule de gens désireux de nous témoigner leur soutien, de
nous saluer, ou bien de nous faire des dons, nous confier des intentions.
Quelques uns nous donnent même de l’argent pour allumer un cierge arrivés à
Rome.
Nous notons aussitôt les
intentions, mettons de côté l’argent pour les lampions, saluons les habitants
du presbytère et partons pour Mortara.
Passons sur la route et arrivons-en directement à
Mortara.
C’est une ville de bonne
taille. Nous nous dirigeons vers ce qui semble être l’église principale. Après
avoir longuement sonné, un prêtre nous ouvre, il est assez jeune.
Il nous offre quelques
rafraîchissements, puis une sœur spécialisée dans le « sauvetage » de
pèlerins vient nous chercher. Elle appartient à la congrégation des sœurs
missionnaires de l’Immaculée. Avant de nous quitter, le curé nous prend en
photo pour le bulletin paroissial.
La sœur nous conduit dans
un bâtiment qui sert d’oratorio (= centre paroissial pour la jeunesse).
Le soir, elle et une sœur
dite « française » parce qu’elle exerce son « ministère »
en France, viennent nous apporter « à domicile » un panier rempli de
bonnes choses: pâtes, tomates, fruits…Nous mangeons goulûment.
Dans la soirée, elle
revient en accompagnant une « pèlerine » française, Laurence, la
trentaine qui fait elle aussi la Via Francigena. Elle est partie d’Aix en
Provence et a pris la route du sud (Turin). Elle a rejoint la Francigena à
Vercelli. Nous parlons de sujets de pèlerins: pieds, trucs et astuces pour les
ampoules, équipement, anecdotes de voyage. Elle avait fait Compostelle cette
année. Nous partageons nos expériences avec leurs différences et leurs points
communs. Nous prions ensemble puis nous séparons. Elle part le lendemain à 6h,
nous plus tard car nous voulons avoir la messe avec les sœurs.
10/07 MORTARA / GROPELLO CAILROLI
Après la messe et la collazione (petit déjeuner), nous partons pour
Gropello Cairoli en emportant un petit quelque chose préparé par la suor
Elizabetta.
Gropello sera notre étape du jour car Pavie est trop
loin. Pour midi nous prenons une pizz’ à Garlasco, avant Gropello.
Nous étions assis sur un
banc quand une dame âgée s’approche et nous parle comme si nous comprenions
l’italien. Je lui dis alors que nous sommes Français (
« FRANCESI!! »), sur quoi elle nous demande si nous habitons Garlasco
( ben non justement!!). J’arrive à comprendre qu’elle cherche quelqu’un pour
dire « cualcosa » (quelque chose)...non problema!
Elle insiste pour nous
donner des bonbons: elle en a plein les poches: aux « frutti », à la
« menti »...elle nous explique qu’elle en a toujours sur elle au cas
où elle rencontre des « pupini » (des tout petits enfants): c’est
sympa pour nous!...puis elle repart.
Nous arrivons à Gropello à
temps car une pluie battante se met à tomber: la température chute vite...et
personne à la « casa parrochiale »…
Nous attendons sous le
porche de l’église, à côté, 1h... 2h... 3h…je commence à trépigner...François
se plonge dans un livre. Et si le parroco (curé) n’était pas là? Je pars faire
un tour. Je reviens: toujours pas de curé. La providence nous aurait-elle
abandonné?
Soudain le prêtre, un jeune
d’une trentaine d’années qui s’avère être en fait le vicaire, apparaît. Il est
seul au presbytère car son curé est en pèlerinage avec 60 de ses paroissiens.
Il parle vite, très vite, son visage est rond et jovial.
Il nous questionne beaucoup
dans les premières minutes: je le soupçonne de douter de notre état de
séminariste, ou plus précisément il cherche à en être certain. Ainsi des
questions anodines du genre: « quel est le saint que l’on fête demain?
avez-vous dit les vêpres? Quelles matières étudiez-vous?...Il nous avoue que
c’est une surprise parce qu’il ne s’y attendait pas. Après nous avoir montré le
local des pèlerins, il décide de nous offrir sa douche perso qui elle a l’eau
chaude.
Il est maintenant tout à
fait en confiance et plaisante beaucoup. Il ne parle que l’italien mais nous
échangeons sans trop de problèmes.
Nous prenons le repas du
soir avec lui. Nous parlons beaucoup et finissons par une visite de l’église
qui recèle mille et une petites merveilles. La sacristie aussi, où sont
entreposés chasubles et ornements, plus beaux les uns que les autres. Il nous
montre la collection d’encens de son curé. Impressionnante. On y voit des
boîtes aux noms évocateurs: Ghetsémani,
Rois Mages, Egypte, Arabie, Aloès, Ténèbres du Vendredi Saint, Pontifical
(classique!)…
Il nous propose même de
servir sa messe de 8h le lendemain, nous acceptons.
11/07 GROPELLO
CAIROLI / PAVIA
Comme prévu, après la messe nous servons la messe de don Massimo, le
vicaire. Nous sommes en aube dans le chœur, intimidés. L’église ressemble à une
basilique et nous sommes un peu perdus. Le vicaire me demande de faire la
première lecture et le psaume…en italien (langue que je ne parle pas !!!).
J’hésite, puis accepte, tremblant. A l’ambon, heureusement que l’on ne voit pas
mes genoux qui s’entrechoquent frénétiquement. Ouf! Les lectures sont finies,
je peux retourner m’asseoir. A François est confiée la tâche de distribuer le
communion. Il le fait, un peu nerveux, mais s’acquitte lui aussi de sa mission.
Après la messe, don Massimo
nous fait un don au nom de la paroisse, suivi d’un autre d’une dame qui nous a
aperçus à la messe, puis nous rassemblons nos affaires et quittons ce village
qui nous a si bien accueillis (...un de plus!)
En route
pour Pavie !
Nous y arrivons assez tôt, et rentrons dans cette cité
devant laquelle, il y a bien longtemps, Charlemagne était venu mettre le siège.
Nous nous dirigeons de
suite vers la paroisse qui nous a été conseillée par don Massimo. Nous sonnons,
mais on nous répond que le prêtre est parti « a la montagna ».
J’espère que tous les curés de Pavie n’ont pas eu la même idée! Nous mettons le
cap vers le centre, certains, entre les 20 paroisses de Pavie, d’en dégotter
une. François croit en la paroisse San Francesco (cherchez pourquoi!)… nous
serons selon lui bien reçus. Nous sonnons, on nous répond: « non e
possibile. » Zut!
Après avoir bien tourné,
nous apaisons modestement notre faim toute légitime, puis reprenons nos
recherches. Nous finissons à l’évêché. Là, un jeune prêtre nous guide vers le
responsable de la CARITAS locale qui s’occupe d’un gîte, ceci après que nous
ayons refusé une première offre qui nous faisait retourner hors de la ville
pour un refuge incertain. Le gîte nous accueille après quelques formalités
(papiers d’identité…). La chambre ressemble à une chambre d’hôtel, c’est propre
et neuf. Le prêtre responsable nous propose de partager son repas. Nous
acceptons sans hésiter. Dehors, un
orage terrible s’abat sur la ville.
A l’heure indiquée, nous
nous rendons au lieu du repas. Une table a été dressée dans une pièce. Autour,
6 « jeunes » garçons et le père. C’est l’équipe de « volontaires »
formant la communauté qui assure le fonctionnement de ce gîte: gestion,
entretien…
Nous échangeons
malheureusement peu avec eux. Un « marocain » essaye de traduire,
mais son français est plus qu’approximatif.
Le père, un homme de 55/60 ans a beaucoup voyagé et nous parle de ce
qu’il a fait. Après ce repas, nous remontons dans notre chambre. Peut-être une
nuit sans moustiques?...en tous cas la température, elle, est plus supportable.
A 7h15, nous suivons le
père qui va dire sa messe chez les sœurs canossiennes. Après la messe, il nous
propose de prendre quelque chose. On nous installe dans la sacristie. Des sœurs
très attentionnées nous servent, jusqu’à la mère supérieure qui nous apporte
elle-même le café. On nous apporte même un plat de jambon cru et du pain, pour
la plus grande joie de François qui du coup se fait une tartine de pain sucré:
« c’est plus diététique » (sic !). Une sœur reste debout à côté
de nous, attentive à nos moindres désirs, les devançant même, ne sachant quoi
faire pour nous faire plaisir. Elle remplit un sucrier déjà plein, de peur que
nous en manquions. Je m’attends même à ce qu’elle remue ma tasse à ma
place...mais elle extirpe d’un placard des bonbons, puis un paquet entier pour
nous les offrir (pense-t’elle aussi que nous avons l’air de
« pupini »?). Après l’avoir chaudement remerciée, nous prenons congé,
assurons les sœurs de nos prières et partons pour notre prochaine étape,
celle-ci fera plus d’une trentaine de kilomètres.
Arrivés à 5 km du but, une voiture s’arrête à notre
hauteur. C’est un prêtre d’une soixantaine d’années. Il nous hèle: « eh!
pellegrini! ». Il nous demande si nous allons à Pieve Porto Morone. Nous
lui répondons que oui. Il se trouve être le curé du village. Merci la Providence!!
Il nous quitte en nous disant à plus tard, et que nous y serions dans 1h, 1h30.
Puis il redémarre...pour le coup nous aurions bien accepté le
transport...enfin!
Nous arrivons à l’oratorio
jouxtant l’église. Don Mansueto, c’est son nom, est là, entouré d’une centaine
d’enfants qui hurlent, jouent, grimpent: il en sort de partout! Visiblement,
une grande fête se prépare: un podium, une scène a été montée.
On nous montre notre
« chambre », c’est l’occasion avec tous les jeunes qui sont là
d’échanger tant bien que mal. Les plus jeunes me récitent par cœur les
effectifs de l’équipe de France de football...j’étais moins fier quand à mon
tour on m’a demandé de citer le nom de joueurs de la Squadra (Milano???)
Don Mansueto nous propose
la pizzeria pour le soir...car la « mama » - eh oui, un de plus qui
habite avec sa vieille maman!- a 86 ans et elle est fatiguée. « Si vous
n’aimez pas les pizze, vous prendrez des pâtes. » nous dit-il. Ce n’est
pas de refus, car les pizze de midi nous sortent par les yeux. Le départ est à
21h, après la messe de don Michele, le vicaire de 26 ans, fraîchement ordonné,
et qui nous accompagne à la pizzeria ce soir.
Le restaurant est plutôt
chic et nous nous pourléchons devant le nom des plats de pâtes (...et oui, on a
finalement bien opté pour des pâtes...pour changer!). Don Mansueto est un homme
petit, rondouillard, le visage circulaire orné par endroits de quelques
excroissances de peau, style poireau (mais sans poil, je ne sais pas comment ça
s’appelle…) qui fascinent François. Don Michele a l’air d’un adolescent timide
mais néanmoins sympathique.
Nous mangeons avec appétit,
en effet, ce ne sont pas les repas de midi qui nous pèsent!
François s’enivre d’un vin
rouge, liquoreux et pétillant, qu’il a l’air de beaucoup apprécier. Je reste
interloqué devant cette chimère de vin
que je n’avais jamais vue – et encore moins bue – auparavant...mais
c’est ma foi très bon (comme du Coca, mais en meilleur d’après
François...sûrement à cause des bulles.)
Nous rentrons, il est tard,
et demain une longue étape nous attend.
13/07 PIEVE
PORTO MORONE / PIACENZA
Nous
assistons à la messe de don Mansueto, après quoi il nous offre la collazione,
et nous partons. Il nous promet pendant ce temps de téléphoner à une paroisse
dont il nous a laissé le nom pour nous accueillir.
Nous avons déjà marché une
dizaine de kilomètres quand nous voyons don Mansueto nous rattraper en voiture.
Il nous tend un papier où figurait les coordonnées d’une autre paroisse qui
était prévenue de notre arrivée. Quelle gentillesse et quelle
serviabilité : merci don Mansueto.
Nous reprenons notre
marche.
Piacenza
(entendez « Plaisance ») finit par se profiler après une interminable
entrée dans la ville. Je n’aurais jamais cru, si je ne l’avais expérimenté, que
l’on pouvait mettre tant de temps avant d’atteindre le cœur d’une ville. Après
renseignement dans une pharmacie, il apparaît que la paroisse San Lazzaro que
nous recherchons est encore à 4 ou 5 km !!! Nous sommes un peu
décontenancés, mais nous n’avons pas le choix et avançons. Dans un bar nous
demandons notre route. Un homme nous offre un « caffé », à nous et à
une dame qui parle français et qui nous fait tout un discours en nous racontant
son enfance en France, et tout le monde la traitait de « macaroni »
quand elle était petite, et que tous les italiens étaient des menteurs (…qu’ils
disaient ces mêmes Français !), parce qu’ils parlaient trop (effectivement
elle nous prouve le contraire !), et qu’ils étaient tous des
« ladronni » (des voleurs), etc. etc. Nous la remercions et partons.
Nous arrivons à San
Lazzaro, à la sortie de la ville. Nous avons alors fait plus de 40 km! Nous
sommes éreintés. La paroisse possède une hôtellerie à 1,5 km de la ville.
Heureusement on nous y mène en voiture.
Tout est neuf dans du
vieux. Nous passons d’abord par une petite église dédiée à St Pierre, avec des
fresques du 14ème siècle. Puis nous atteignons le gîte lui-même,
installé dans une hôtellerie du 12ème siècle dont les éléments
anciens ont été préservés et intégrés avec goût aux parties neuves: bouts de
fresques, colonnes, arcades, pierres apparentes...On nous laisse dans ce gîte.
Nous organisons un repas de
fortune avec le peu que nous avons: soupe en sachet et pâtes piquées à Elio de
Donnas (« bonjououour!!! »). Nous l’agrémentons de Coca et d’un
Magnum achetés en face. Nous dormons vite.
14/07 PIACENZA / ALSENO
Un jour nouveau commence,
un jour de fête en France, mais cela me chaut peu. Nous quittons le gîte
douillet et confortable après avoir apposé l’autographe de rigueur sur le livre
d’or et tamponné mon carnet en guise de crédential.
C’est une étape de 25 km. Nous arrivons dans un village
beaucoup plus petit que nous le pensions: nous en sommes rapidement rendus à la
fin.
Je sonne à la cure: « niente ». Je fais le tour de la maison
et je tombe nez à nez avec un gros curé en soutane, plutôt baraqué en fait…
Selon moi il doit avoir dans les 65 ans, 70 pour François. Nous avons
l’impression d’arriver comme un chien dans un jeu de quilles. Sa voix est
sourde et rauque, un peu éraillée. Il parle un italien rapide, en mangeant une
syllabe sur deux: je ne comprends pas tout. Finalement il nous invite à le
suivre; il nous installe dans une salle de séjour du rez-de-chaussée, puis nous
indique la salle de bain parce que, dit-il, on « pue » (ou on sent
mauvais, je ne connais pas la nuance en italien). C’est ce que je fais
aussitôt.
Don Aldo (c’est son nom, au début je comprenais
« Donaldo », je trouvais ça marrant mais bizarre, pourquoi pas Pluto
ou Dingo!...mais j’ai vite compris mon erreur. ) Don Aldo donc est en réalité
gentil, mais vieux garçon et direct, sans détours. Il est vif et bourru. Il en
dit le moins possible. Nous apprenons seulement qu’il y a la messe le soir.
Revenus de la messe, nous
nous demandons entre nous s’il nous offrira quelque chose à souper. Sur ce il
vient nous proposer: « vous prendrez quelque chose? Un petit
bouillon? »...COUAC! notre sang ne fait qu’un tour. Un bouillon dans le
ventre? Il va s’ennuyer avec les trois bouchées avalées à midi, il n’y a pas de
quoi faire la fête…
En fin de compte, le
bouillon s’avère être un minestrone maison fort riche et fort bon, suivi d’œufs
au plat, de fromage et d’une quantité de fruits. Plus du vin, et pour faire
digérer, de l’Amaretto (très bon).
Le repas était bercé par
les programmes télé plus bêtes les uns que les autres, « zappés» par don
Aldo intraitable qui poussait des « cretini! » quand il voyait un
congrès socialiste aux infos, des albanais reconduits à la frontière, ou des
humoristes il est vrai assez « crétins ». Pour finir, il nous invite
à manger une glace dehors, ce que nous acceptons de bon cœur.
Don Aldo est très gentil,
mais je le crois un peu fasciste. Ce ne sont pas tant ses références à
Mussolini qui m’ont mis cette idée-là (« Come diceva Mussolini… »),
ni cette antipathie pour « li immigranti » qui déferlent sur l’Italie
–comme ils ont dit à la télé: tous des « ladronni! » - mais un
pan-italianisme flagrant.
Il est vrai que don Aldo
serré dans sa vieille soutane fait un peu « vieille Italie ». Good night…
15/07 ALSENO
/ MEDESANO
Après la collazzione, nous prenons le départ, poussés par don Aldo qui
décidément n’aime pas les remerciements qui s’éternisent!
La route s’élève au milieu des collines, le paysage est
boisé et vallonné. Cela nous change de la monotonie des rizières de la
Lombardie. La route donc s’élève agréablement et serpente entre les champs…
Elle serpente même un peu trop...et le chemin semble s’allonger indéfiniment,
Medesano semble hors d’atteinte.
Nous l’atteignons après une
heure de hors piste entre champs et bosquets. Nous trouvons l’église et
l’hôtellerie qui la jouxte: « Ostello don Bosco ». C’est une bâtisse
grande et rénovée, elle est là pour l’accueil des pèlerins de la Via
Francigena. Nous rentrons puis ressortons immédiatement: c’est beaucoup trop
beau, c’est un hôtel et non un gîte nous avons dû nous tromper. Nous sonnons
alors au presbytère. Le prêtre nous répond, nous ouvre et nous conduit à
l’ostello. C’est donc bien pour nous! Et encore, nous ne sommes pas au bout de
nos surprises…
Il nous mène (en ascenseur)
jusqu’à notre suite (il n’y a pas d’autres mots). Une cuisine, un séjour, une
salle de bain et une chambre. Tout est neuf , ultra équipé, tout est de bon
goût et dans de beaux matériaux. La cuisine est équipée d’un lave vaisselle, de
plaques et d’un four dernier cri; visiblement rien n’a encore servi! La cuisine
intégrée cache de plus un frigo qui regorge – le mot est faible – de Coca,
Sprite, jus de fruits, bière, eau gazeuse, confiture, Nutella…
Le rêve, on se croirait dans
un hôtel à Las Vegas.
Nous assistons à la messe
du soir après laquelle don Gianni nous invite à manger. Il vit au presbytère
avec...devinez qui!… BINGO! La mama (qui fait la cuisine).
Nous mangeons très bien:
raviolis frais, jambon de Parme (nous en sommes tout proche), vin de Parme,
parmesan (plus ou moins dur); après quoi il nous emmène manger une glace
italienne.
Il nous montre aussi avec
fierté les recoins de l’ostello qui dissimulent salles de catéchisme, salle de
cinéma « high-tech » (dolby surround...). Au rez-de-chaussée, un
bar….
Nous proposons à don Gianni
de servir sa messe de 8h le lendemain, il accepte. Nous nous couchons.
16/07 MEDESANO /
CALESTANO
Comme prévu nous servons la messe puis prenons notre
collazzione au bar de l’ostello. Un homme d’une bonne cinquantaine d’années (un
employé de la paroisse à l’ostello, ancien chauffeur de car qui connaît bien la
France) nous l’a préparé. On se croirait à l’hôtel: il nous apporte sachets de
biscuits sur sachets de brioches, vraiment « EXCELENTOS » (comme
dirait François). Il vit avec...sa mama (et oui!). Il est gentil et très
dévoué. Après nous avoir conseillé la route du jour, nous le laissons ainsi que
don Gianni, direction Calestano.
La route est décidément
très belle...et elle grimpe! En fait de « piccola tapa » (que nous
avions calculée), le trajet s’avère être une « lungha tapa ». Il est
vrai qu’à plusieurs reprises les raccourcis se sont avérés plus longs que la
route. Heureusement que pour compenser nous coupions à travers champs de blé et
champs de luzerne. Soudain nous interrogeons des gens sur notre but, Calestano.
Ils nous indiquent l’opposé de la route que nous suivions. Nous
« positivons » (comme on dit) en admirant le paysage.
Et puis soudain c’est le drame. Alors que nous croisions
un homme qui se promenait avec 5 chiens, l’un d’eux se jette furieusement sur
François qui l’ignorait superbement. L’animal s’acharne en écumant sur le
mollet de François et y plante quelques crocs. C’est une boucherie, le sang
coule à flots sur le membre atrocement déchiré et inonde le sol. Rendu fou par
le goût du sang, la bête déchaînée allait s’apprêter à mordre de nouveau quand
son maître, intervenant, lui décoche un formidable coup de pied, sauvant
peut-être la vie de François. Quant à moi, j’assistais tétanisé et impuissant à
la scène. Je récupère François choqué et tremblant. Il arrive à se traîner
jusqu’à notre étape[1]. C’est alors que surgit le terrible doute: et
si le fauve avait la rage? Le maître apeuré nous avait assuré que le chien était vacciné. Le doute
subsiste malgré tout…
Nous rencontrons le parroco qui nous installe dans un
appartement où nous ne manquons de rien. Pour ce qui est du repas...il attend
visiblement de consulter l’autre prêtre avec lequel il vit. Il nous quitte.
Mangerons-nous ce soir?
Une demi heure plus tard,
il réapparaît avec un prêtre plus âgé et très souriant. Nous sommes conviés au
souper.
Celui-ci s’avère simple
mais copieux. Le prêtre plus âgé parle assez bien français et nous pouvons
discuter. Il sont tous les deux très sympathiques et très différents.
Don Pietro, la
cinquantaine, plutôt rondouillard, parle beaucoup, même la bouche pleine, et
est assez extraverti.
L’autre, don Ignazio, 70
ans, est le plus sage de la bande. Il plisse par moment les yeux avec un
hochement de tête satisfait quand il prononce une parole sage. Il est très
gentil et prévenant. La gouvernante suit en bout de table la conversation
bilingue sans tout comprendre.
Avant de nous laisser
partir pour la nuit, don Pietro me montre où est le poste de secours de nuit,
si jamais le blessé (François) avait une crise de démence cette nuit.
17/07 CALESTANO / BERCETO
Le jour se lève sur Calestano. François a passé la nuit,
il devrait survivre…
Après un solide petit
déjeuner, nous prenons congé de nos hôtes non sans avoir auparavant laissé sur
un cahier un petit mot à la demande de don Pietro, et que don Ignazio a lu avec
un de ses plissements d’yeux qui
trahissait sa satisfaction. Nous partons pour Berceto...
C’est une jolie petite
route de montagne qui monte de 400m sur 25 km qui nous y mène.
Arrivés à notre étape, nous pouvons admirer une charmante
petite ville nichée au creux des montagnes. Les maisons sont typiques des pays
de montagne. Au centre de la bourgade, le « duomo » - entendez la
cathédrale – un magnifique édifice pur roman avec un toit à charpente
apparente. Son musée renferme maints trésors dont un pluvial du VIIIe siècle,
un calice en verre du Xème. Nous allons droit vers le séminaire qui
est pour l’heure occupé par une colonie de vacances: nous ne pouvons y être
reçu. Nous remontons vers le duomo où nous tombons sur un monsieur qui nous
montre où dormir: dans une « casa della gioventu ». Nous y sommes
bien. Nous prions le monsieur d’avertir le parroco de notre désir de le saluer
(sans arrière pensée...hum!) Nous allons à la messe puis revenons; toujours pas
de parroco.
19h30: nous attendons...le
curé arrive, il nous salue, il a l’air aussi perdu que nous; puis il nous dit
au revoir et nous laisse comme deux ronds de flanc...nous ne serons pas invités
ce soir. Nous nous précipitons dans une épicerie juste avant sa fermeture et
achetons de quoi faire une méga pasta partie et un giga petit déjeuner.
Le lendemain nous engloutissons un paquet de céréales et
un autre de biscuits, et partons pour Pontremoli: 30 km de montagne.
La route nous fait passer par le col de Cisa où se trouve
un petit sanctuaire marial. La Vierge serait apparue à un berger, tenant en ses
bras l’enfant Jésus. Après y avoir dit notre office nous repartons.
Pontremoli est un bourg qui
semble assez ancien. Il est doté d’une cathédrale et d’un évêché. L’un comme
l’autre ne semblent plus remplir leur office depuis longtemps, du moins comme
siège épiscopal..
Epuisés, nous nous affalons
sous le porche d’une église dont la cure était vide. Une religieuse nous salue
et nous interroge. Elle nous indique les Capucins qui seraient susceptibles de
nous accueillir. Nous y allons. Je sonne. Après un moment d’attente, un
individu barbu, hirsute et en maillot de corps troué apparaît à une fenêtre à
l’étage et nous interpelle vivement: « Bisogno?! ». Je lui explique
la situation, ne sachant plus si je devais parler à celui que je prenais pour
un clochard mal embouché, ou bien à un vieux capucin qui venait d’apparaître
devant l’église. Le capucin me fait signe de m’adresser à l’énergumène en me
précisant: « il superiore… », avec une révérence appuyée dans la
voix. Après quelques minutes, la porte s’ouvre, et le personnage tonitruant
apparaît dans l’embrasure. Son tee-shirt est mangé aux mites, et son jean élimé
et taché a du mal à contenir un ventre rebondi. Sa crinière blond-roux a l’air
aussi disciplinée que lui. Il a entre 50 et 55 ans. Il s’avère bien être le
supérieur de la communauté. Il parle un bon français qui trahit quelques années
passées en France. Son haleine nous renseigne sur sa boisson favorite qui ne
semble pas être l’eau. Il nous offre généreusement l’hospitalité et nous
installe dans une « cellule » voisine avec deux matelas et des sanitaires
à côté. Il nous conseille de nous reposer. Il viendra nous chercher pour le
repas. Nous suivons son conseil. Avant le repas, nous allons à la messe dite
par un des frères, un converti du Padre Pio – Padre Pio d’ailleurs dont un
habit est conservé dans une vitrine de la sacristie. Après la messe, nous
sommes introduits dans le réfectoire. La communauté se compose de 4 frères, 2
invités sont là en plus de nous. On nous explique: « Ici, c’est le
self-service ». En effet, une table est recouverte de plats divers dans
lesquels nous piochons avidement, encouragés par le supérieur au rire sonore
qui nous ressert même malgré nous! Le repas est gai et animé. Le supérieur
interpelle les uns et les autres de sa voix puissante, houspille un frère plus
que nonagénaire qui ne mange presque pas et qui se dit
« embrogliato »: il a visiblement un problème avec ses
« intestini ». Le sup’ simule une colère en devenant tout rouge et en
roulant des yeux courroucés. Cela terrorise le petit frère et nous fait beaucoup
rire. Ce dernier fait du même coup remarquer au sup’ qu’il boit trop de vin,
mais l’accusé rétorque que dans le vin il y a 98% d’eau (...ce qui n’est pas
faux du reste!). Nous mangeons jusqu’à plus faim et achevons notre repas. Le sup’ hurle après les autres invités qui
s’apprêtent à faire la vaisselle en disant (en français): « Ici il est
interdit de « vaisseler » (sic). Il semble très fier de son
néologisme et nous invite à l’utiliser. Cela lui paraît logique. Après avoir
trinqué au « champagne » italien, nous nous couchons.
19/07 PONTREMOLI / AULLA
Le matin, nous prenons le temps d’assister à la messe,
dite par un autre capucin que j’avais pris aussi la veille pour un S.D.F et qui
expédie sa messe plus qu’autre chose. Nous engloutissons un bon petit dèj’ et
partons.
A Aulla, on nous avait recommandé un autre capucin qui
vivait seul à côté d’une église: nous y allons. Nous sommes accueillis par un
homme d’une soixantaine d’année, au bouc bien taillé, qui en paraît facilement
dix de moins. Son visage est expressif et il parle vite...et beaucoup!
Il nous montre notre
chambre et « les »salles de bain (une chacun, le grand luxe!). Il
nous offre de partager son repas. L’homme est volubile et s’exprime avec
passion. Il semble très cultivé, et nous parle de ses nombreux voyages en
France et en Europe. Il a une très bonne mémoire des noms de villes traversées:
il connaît sans problème la France mieux que moi!
Le repas est exquis et
soigné, signe d’un homme de goût qui sait cuisiner. Aux traditionnelles pâtes
(succulentes) il ajoute un œuf au plat avec une saucisse. Après le repas, il
nous fait visiter son jardin puis nous emmène faire un tour sur les hauteurs de
la ville. Il nous abreuve de détails historiques et semble maîtriser aussi bien
l’Histoire de France que celle d’Italie. Je prends vite mal à la tête suite au
triple effort: comprendre les références culturelles, en italien, et parlé très
vite. Il est intarissable . Mon lit est le bienvenu et nous ne tardons pas à
nous endormir.
20/07 AULLA / FOSDINOVO
Le lendemain nous assistons à sa messe. Il s’appesantit
sur l’homélie qu’il déclame avec passion aux 4 grands-mères qui sont suspendues
à ses lèvres. Le capucin solitaire mais bavard a là son seul auditoire de la
journée. A la fin de la messe, il nous présente à son « fan club ».
Il n’hésite pas à exalter la figure du Curé d’Ars en rajoutant des détails que
je ne connaissais pas: le curé d’Ars a sauvé la France, toute la France est
passée dans le confessionnal du curé d’Ars etc. Puis il nous désigne d’un ton
solennel, disant avec des trémolos dans la voix que nous étudions dans le
village sanctifié par le Saint Curé d’Ars. Les grand-mères dodelinent de la
tête avec admiration et sont aussi émues que si elles avaient eu devant elles
deux reliques du St Curé. Mais quand le padre Damiano leur narre nos
« exploits » de pèlerins, alors elles se pâment presque, et leurs
regards s’embuent. Elles se battent pour nous embrasser en précisant:
« une bise de la mama! »...ce qui vaut bien une bénédiction papale
(ndla)!
Nous quittons le capucin et
ses fans, et partons pour Fosdinovo;
Nous arrivons en vue de Fosdinovo dont nous n’apercevons
d’abord que l’énorme château qui domine la plaine et cache le village. Pour la
première fois nous voyons la mer à l‘horizon...il paraît alors loin le Val
d’Aoste!
Nous attendons longtemps le
retour du curé, et quand enfin nous le rencontrons et lui faisons part de notre
demande, il nous réplique mi-gêné mi-amusé qu’il ne sait pas où nous mettre. Il
nous propose enfin une église vide car en pleine restauration qui se trouve au
cœur du village médiéval. C’est une splendide église baroque tout en marbre de
Carrare. Il nous laisse, l’église est à nous. Ce sera du camping, mais au moins
nous aurons un toit...et pas n’importe quel toit: celui de la maison du Bon
Dieu! Nous achetons de quoi festoyer et
préparons un repas de fortune. Dans la sacristie en chantier nous déposons deux
seaux: un pour la toilette, un autre pour les toilettes (ne pas
confondre !). Dans l’église nous dressons la table et mangeons (photo!).
Nous dormons assez bien dans ce qui sera je crois la plus grande chambre que
nous n’aurons jamais.
Nous nous réveillons le matin couverts de poussière
blanche, celle-là même qui jonchait le sol, farinés que nous sommes tels deux
truites meunières. Nous prenons notre petit déjeuner et quittons le village et
notre hôtel *** en marbre de Carrare, Carrare qui est justement notre prochaine
étape.
La route de montagne serpente en sous-bois et offre
presque continuellement un panorama sur la mer. Des camions énormes, chargés de
non moins énormes blocs de marbre, filent et nous dépassent à toute allure. Ils
nous rappellent que Carrare est la capitale du marbre.
Nous arrivons dans la
fameuse ville, certains de découvrir une cité de marbre blanc, pavée de marbre,
aux maisons resplendissantes etc. et nous nous trompons à peine. Certes les
maisons sont plutôt grisâtres, le dallage terne et les rues nauséabondes, mais
le mobilier urbain et les trottoirs sont en marbre!!!
La cathédrale est
entièrement habillée de la précieuse pierre blanche. Nous « spotons »
(dixit François) une grande église accolée à un oratorio. Au moins on ne pourra
pas nous dire qu’il n’y a pas de place! Nous mangeons et attendons (il ne peut
pas toujours y avoir des funérailles –
cf. le début du pélé !). Alors que nous somnolions, un monsieur de la
paroisse nous aperçoit et se propose de nous emmener faire le tour des
différents endroits de la ville susceptibles de nous accueillir. Ayant fait
partout chou blanc – il faut dire qu’avant 17h le pays est aux abonnés absents
; avis à tous ceux qui voudraient envahir l’Italie: attaquer entre 13h et 17h,
victoire garantie! – nous retournons à la première église (San Giacomo) et y
pénétrons avec le monsieur dans l’oratorio. Nous sommes accueillis par une
basse-cour de paroissiennes, au nombre de trois, qui piaillent toutes en même
temps, chacune racontant son histoire et se coupant réciproquement le parole.
Je ne comprends rien. Elles nous « entreposent » provisoirement dans
une salle en attendant le retour du parroco. Une heure plus tard, elles nous
assurent que nous resterons là cette nuit. Soulagement! Je décide de rencontrer
le curé et finis par le voir. Je lui fais mon traditionnel discours. Il me dit
que ce soir, là où nous sommes installés, aura lieu une réunion de jeunes qui
vont aux G.M.G. Il me dit aussi que nous pourrons échanger. Quand il m’annonce
l’heure à laquelle commence la réunion, mon sang se glace: 21h30…«mais ce sera
fini vers 22h30 »...tu parles! Quand je lui demande timidement (sans
tendre de perche, non! non! non!) où je pourrais faire chauffer une soupe, il
me rétorque qu’il n’y a rien ici et qu’il faut aller chez les Jésuites qui ont
un foyer avec une cuisine. Le brave monsieur, notre guide de tout à l’heure,
m’assure pour en revenir, qu’elle n’est pas utilisable. Ce à quoi le prêtre
réplique que c’est faux, qu’elle est seulement « very, very, very
dirty! »...et puis s’en va. Ce soir-là nous mangeons froid, quelques
sandwiches avalés gloutonnement, et des biscuits. Heureusement une bonne
nouvelle: la réunion de jeunes a été annulée, au moins nous dormirons plus tôt.
Dodo…
22/07 CARRARA
/ PIETRA SANTA
Après avoir fait un sort à une boîte de céréales nous partons pour Pietra
Santa en espérant y recevoir meilleur accueil, d’autant que nous aimerions y
faire une étape d’un week-end pour nous refaire des forces...et profiter de la
mer à 4 km...nous verrons bien en route.
Assez rapidement nous
arrivons à Pietra Santa, ville divisée en deux: la vieille ville à flanc de
colline, ville historique et artistique (en effet, la cité se pique d’art
contemporain : de gigantesques sculptures de Botero aux fesses rebondies
et aux hanches proéminentes ornaient la place principale.) En contrebas, à 3 ou
4 km, se trouve la ville balnéaire.
Nous sonnons à la paroisse.
Après un essai infructueux, le parroco sort et nous oriente vers les sœurs de
l’Assomption. Nous leur demandons l’accueil qu’elles nous offrent très
volontiers. Elles (en fait, il n’y a à ce moment-là que trois sœurs: deux, plus
une postulante qui a plus ou moins notre âge) nous proposent une chambre avec
un lit et une salle de bain adjacente. Nous prendrons le lit à tour de rôle.
Il se trouve que la
communauté accueille jusqu’au lendemain un groupe de handicapés mentaux.
L’ambiance est pour le moins spéciale. Les sœurs (une surtout) semblent
fatiguées par ces hôtes imprévisibles et bruyants. La postulante nous explique
calmement et pudiquement « ce sont des diminués mentaux », doux
euphémisme que la sœur plus âgée (sœur Scholastica) s’empresse de corriger en
s’emballant, visiblement excédée: « malatti, malatti! », « des
malades, des malades! ».
Nous nous reposons puis
allons à la messe et revenons. Nous n’osons espérer une invitation à manger: à
vrai dire nous mourrons de faim, et les quelques bouchée avalées à midi ne sont
plus qu’un lointain souvenir. A 19h30 bien passées, nous extirpons notre sachet
de soupe et projetons de leur demander si l’on peut se le préparer. Bingo! La
sœur l’emporte, mais effrayée par la maigreur de notre repas nous rapporte plus
que nous ne désirions.
Durant le repas, une jeune
handicapée obèse et ingrate nous « colle » et semble apprécier notre
compagnie. Visiblement, son degré de déficience mentale n’est pas suffisant
pour avoir inhibé ses penchants naturels pour l’autre sexe...enfin vous
comprenez...
Après nous avoir sorti les
deux mots de français de son répertoire et demandé de l’eau à maintes reprises
elle s’en va puis revient nous proposer une cigarette. A sa vue, je manque de
m’étrangler: elle apparaît à nous dans
une tenue suffisamment légère pour ne rien dissimuler de ses charmes. Le
tee-shirt est relevé et laisse échapper une poitrine plantureuse qu’un 115
bonnet B ne pouvait arriver à contenir. François quant à lui reste stoïque.
Nous allons nous coucher,
demain dimanche est une dure journée: baignade dans la Méditerranée!
23/07 JOURNEE à PIETRA SANTA
Après avoir servi la messe du dimanche au duomo (la
cathédrale), nous prenons la direction de la plage où nous passons une partie
de l’après-midi en squattant les plages privées et en se faisant régulièrement
chasser.
Nous prenons le repas du
soir avec sœur Scholastica et Anna la postulante. Moment agréable passé sur la
terrasse, sous la treille. Nous nous couchons: demain nous avons une étape de
35 km qui nous mènera jusqu’à Lucca (Lucques)
Le départ se fait vers 8h pour éviter une chaleur qui, en
fait, ne sera pas présente ce jour-là.
Nous marchons longtemps,
nullement gênés par la pluie ni l’orage qui menacent. Pendant le trajet, une
voiture s’arrête à notre hauteur. Serrés derrière, trois jeunes qui semblent
être des pèlerins.
-« Seminaristi ? » crie le chauffeur.
-« Si!, si!,
pellegrini per Roma » lui réponds-je.
-« Nous
aussi! », disent les passagers qui s’avèrent être aussi des séminaristes
(de Brescia), « Où allez-vous? »
Nous leur répondons que nous allons à Lucca. Eux aussi y
vont. Le chauffeur nous dit qu’ils vont au séminaire de Lucca, il est
grand et pourra nous accueillir si nous le désirons. Nous privilégions donc
cette option à celle des Capucins.
Arrivés à Lucca, nous
tournons pas mal avant d’arriver au séminaire finalement sur notre route, à
quelques kilomètres avant d’entrer dans la ville. C’est une immense bâtisse qui
se voit de loin, sise bien à l’écart, dans la campagne.
L’accueil est réticent, et
les « employés » semblent embêtés. Ils attendent la décision du
recteur qui devrait arriver. Il fait enfin son apparition. Il est habillé comme
tout le monde et son nez aquilin ainsi que ses cheveux crantés lui donnent des
airs de Christian Clavier (Jacquouille). Nous lui expliquons la situation. Il
nous demande si nous avons des documents qui prouvent que nous sommes des
séminaristes. Nous exhibons nos cartes d’étudiant du séminaire. Après examen il
semble plus confiant et nous indique notre chambre et nous annonce que nous
pourrons rester le temps que nous voulons (à savoir deux jours). Il nous
précise aussi l’heure du repas.
Il dit la messe pour nous
seuls, une messe bilingue : italien avec réponses en français. A l’issue
de l’office nous descendons dans un grand réfectoire au centre duquel est
dressée une table. Celle-ci se couvre vite de mets délicieux, apportés par une
besogneuse sœur cuisinière qui nous adopte rapidement et nous couvre de
« bravi! » et de « mangiate! », déclamés avec un ton
bienveillant et maternel.
Durant le repas, le rettore
( recteur) s’absente puis revient avec une télécommande qu’il me tend. Je ne
sais pas trop quoi en faire et je cherche des yeux dans la pièce la télé qui va
avec. Il à l’air d’insister, je la prends donc quand je réalise soudain qu’il
s’agit en fait d’un téléphone : « Pour
moi? » « Si!, si! »
Ce sont les séminaristes de
Brescia croisés sur la route. Ils souhaiteraient nous voir demain. Nous fixons
un rendez-vous à 11h devant le duomo.
Après un petit verre de porto (de Porto!), nous montons
nous coucher. Il faut presque un plan pour se déplacer dans ce séminaire: après
un ascenseur et 200 mètres de couloirs nous atteignons enfin nos appartements
et nous endormons.
La journée sera une journée de relâche. Après le petit
déjeuner, nous sommes conduits par un séminariste – Alessandro – qui sera notre
guide tout au long de la journée. Nous retrouvons les séminaristes de Brescia.
Nous faisons connaissance puis nous faisons inviter à manger chez des sœurs
hospitalières dont la joie, l’accueil et le sourire nous touchent. Nous avons à
manger à profusion: « tout est pour vous » nous disent-elles. Elles
nous font ensuite visiter leur couvent qui est la maison-mère de l’ordre. Nous
quittons les sœurs, repus et heureux.
A Lucca nous découvrons une
sainte locale: Gemma Galgani. Nous visitons la maison qu’elle a occupée avant
de mourir de la tuberculose à 22 ans. Le séminariste-guide nous offre livres et
images sur ce sujet. Après avoir fait en définitive notre nombre de kilomètres
quotidien (mais sans sac il faut bien l’avouer), nous disons au revoir à nos
amis séminaristes en promettant de se revoir à Sienne, en tout cas à Rome. Nous
revenons au séminaire où nous mangeons bien – la sœur nous gâte! – et nous nous
couchons.
26/07 LUCCA
/ GALLENO...enfin….FUCCECHIO
Ce devait être une étape moyenne avant d’arriver à Empoli. 25 km jusqu’à Galleno. Il fait très
chaud, nous mouillons nos maillots en suant à grosses gouttes. Nous arrivons
enfin à Galleno et rencontrons au bout d’un certain temps le curé, un homme
assez âgé. Notre requête semble l’embarrasser. Il n’est pas de mauvaise volonté
(…enfin, pense François dans sa bonté !)mais ne peut pas nous accueillir –
pas de place – et il pense que c’est le cas de tous ses paroissiens. Il est
désolé (!). Nous devons quitter le village et tenter notre chance ailleurs.
C’est la première fois en 27 jours. Nous décidons d’atteindre le prochain gros
bourg à 6 km. et jetons nos dernières forces dans la bataille. Arrivés au dit
bourg, personne à la cure. Il nous faut donc aller jusqu’à Fuccechio, à 4 km.
Les derniers kilomètres sont très durs. En tout, 36 km pour une étape qui
devait être dans la moyenne.
Une église domine la cité
sur une colline. Nous nous y dirigeons. En route je demande le curé:
« perdone, il parroco perfavore? »
Les trois grand-mères
auxquelles je m’adresse comprennent « perruchiere » (coiffeur,
perruquier)
« pour les cheveux? » me répond l’une d’elle.
Pourquoi me parle t’elle de mes cheveux, me dis-je en moi-même.
« Mais pourquoi? Que voulez-vous? » me dit une
autre.
« C’est pour manger et dormir. » je lui
réponds.
Soudain une autre appelle
un jeune homme. Je lui dis que je cherche le parroco.
« Ah! Le pArroco !? » s’exclament-elles
en chœur.
Je réalise mon erreur (ou
la leur: décidément, quel drôle d’accent dans cette région!) et l’absurdité
alors de ma demande.
Le jeune me conduit au
presbytère en me précisant que l’an dernier un pèlerin était venu demander
asile et que le curé ne l’avait pas accueilli. Je frissonne, et un peu
découragé je commence à m’enquérir des autres possibilités. Il nous salue et
nous laisse devant la porte de la cure. Je n’ai même pas besoin de sonner que
la porte s’ouvre. Un prêtre – la cinquantaine bedonnante à la démarche
hésitante – nous accueille vivement mais gentiment. Il veut bien nous loger
mais ne peut nous offrir le couvert...puis il se ravise et nous dit qu’il nous
emmènera quelque part pour manger une
fois que nous aurons pris une bonne douche. Il nous entraîne dans une ancienne
hôtellerie qui accueillait les pèlerins agonisants au moyen âge (nous ne sommes
pas loin d’être dans le même cas). A l’heure du dîner nous le suivons dans un monastère
de Clarisses qui est à une dizaine de mètres, ce sont elles qui nous fourniront
notre pitance. Après la grande porte cochère, dans un vaste corridor qui mène à
la porte d’entrée proprement dite, une table a été mise avec deux chaises. Les
Clarisses sont cloîtrées, aussi c’est derrière une grille qu’elles s’adressent
au prêtre qui nous escorte, et par un tour qu’elles nous font passer le
nécessaire pour le repas. La table est vite dressée et ressemble à un banquet.
Tout y est à profusion, préparé avec goût et délicatesse. Le curé est aux
petits soins pour nous et va jusqu’à nous servir. Il prend congé pour revenir
vers la fin du repas débarrasser quelques assiettes et apporter le reste.
Après le repas, nous
mettons le tout dans le tour et appelons la sœur pour la remercier chaudement.
Le prêtre nous offre un café et nous tire sa révérence. Nous essayons de
dormir.
27/07 FUCECCHIO / EMPOLI
A 7h nous assistons à la messe chez les clarisses et
prenons congé de nos hôtes, direction Empoli où nous aimerions rester deux
jours pour aller à Florence…
Nous y arrivons avant midi. Suivant le conseil de nos
précédents hôtes, nous filons piazza dei leoni, à l’église principale. Nous
trouvons le presbytère qui lui est accolé, sous forme de bâtiments autour d’un
cloître. Ils abritaient jadis des prêtres vivant selon une règle conventuelle.
Le curé de cette paroisse porte encore le titre de prévôt.
Nous sonnons à la grille et
une voix faiblarde s’extirpe de l'Interphone. Je m’explique. Nous attendons.
Après cinq minutes, un vieux prêtre arrive lentement. Son visage est
impassible. Il nous ouvre et nous fait signe de le suivre. Il nous entraîne
dans un bureau et s’assoit. Il attend. Je comprends qu’il me faut parler. J’ai
la désagréable impression de passer un oral. A la fin de l’examen, il attend un
moment et nous demande ce que l’on possède pour manger. Je lui réponds
« niente ». Il réfléchit et nous dit qu’il va nous mener dans une
maison que possède la paroisse. Pour ce qui est du repas, nous partagerons le
sien à 13h.
Il nous conduit à 800m de
là et nous installe dans ladite maison qui possède tout le confort désiré. Nous
le rejoignons pour le repas.
Ce père est gentil mais
d’aspect un peu rebutant. Une lenteur naturelle associée à une difficulté à
parler vestige d’une opération à la gorge qui lui a lésé une corde vocale, font
qu’il laisse toujours passer 30 secondes ou plus entre une question et sa
réponse. Cela donne des discussions assez étranges, du genre:
- « de quelle époque date l’église? » Réponse:
…(30/45 secondes) - « du
XVIIIème siècle. »
-« Vous êtes ici
depuis combien de temps? »Réponse : (30/45 secondes) « depuis… » - tentative pour reformuler la
question… - petit geste de la
main pour couper court et pour montrer qu’il a bien compris et qu’il va répondre…
Au repas de midi, il me cuisine sur la France, ce que
pensent les Français des Italiens. Je suis assez gêné. Je ne vais tout de même
pas lui dire que les Italiens sont bavards, menteurs, voleurs et séducteurs! Je
biaise donc un peu, le flatte sur la cuisine italienne et, pressé par lui ,
finis par lui lâcher quelques gros clichés pas trop méchants. Quand je lui
demande de se prêter au même exercice, il me sort ravi une liste des Français
les plus célèbres en ne me nommant que des Italiens (Jules César, Catherine de
Médicis etc.), du genre « ce sont les Italiens qui ont fait l’Histoire de
France! ».
Je souris gentiment en
attendant la fin du tir. Pendant ce temps, François en pleine jubilation devant
cette salve francophobe me lance quelques coups de pied sous la table. Le repas
se termine enfin. Il nous donne rendez-vous pour la « cena » à
20h. L’après-midi se passe en sieste et
lessive.
Le repas du soir est plus
pacifique et nous faisons tous la paix autour d’une glace. Il nous lance même
des petits clins d’œil complices quand nous le brocardons gentiment sur la
nationalité de grands personnages qui se trouvaient être italiens. Il ne veut
plus nous lâcher et rallonge la conversation en sautant du coq à l’âne. Dehors
un jeune couple qui avait rendez-vous attend patiemment. Il finit par nous
libérer. Nous prenons un repos attendu.
28/07 JOURNEE A FLORENCE
Nous allons en train à Florence que nous visitons toute
la journée. Le dôme et son extraordinaire façade de marbres polychromes, le
baptistère, fermé, puis ouvert (mais trop cher!), l’église Sainte Croix, avec
sa sacristie gigantesque et splendide, les palais aux cours garnies de statues…
Nous déposons notre surplus
(les effets inutiles qui appesantissaient nos sacs) à l’évêché pour que le
groupe des jeunes Drômois le récupère.
Nous rentrons à Empoli et
prenons le repas du soir chez le prévôt. A nos discours admiratifs sur la
beauté de ce que nous avions vu, il oppose une moue entêtée. Il affirme que la
façade « non e bella » sous prétexte qu’elle a été remaniée au XIXème,
et ainsi bon nombre de choses. Nous restons stupéfaits et lui laissons son
point de vue. Nous lui faisons nos
adieux.
29/07 EMPOLI / CERTALDO
Nous partons à 7h du matin. L’étape devait être longue
mais belle: « que des petites routes » avait prédit François
enthousiaste…
Après en avoir loupé une
première nous filons assez loin, espérant couper par la suite. Une succession
d’erreurs nous rallonge de 10 à 15 km!!!
Nous traversons des champs
de tournesols, coupons à travers des vignes, traversons des ruisseaux
marécageux...et arrivons vers 18h à Certaldo. C’est samedi soir, la messe se
prépare.
A notre grande surprise, le curé a un look un peu
spécial. Il a la trentaine, une petite barbe et des cheveux longs attachés en
catogan. Il a des airs de Jésus… Pendant la messe, nous repérons un pèlerin
dans l’assistance. A la fin de la célébration, nous le retrouvons dans la
sacristie. Il s’appelle Denis, est Français (de Pau), et revient de
Compostelle. Il arbore d’ailleurs en sautoir la célèbrissime coquille. Son
teint hâlé et sa barbe fournie témoignent de la longueur de son périple: dans
la foulée (c’est le cas de le dire!) il est rentré de Santiago à pieds et est
parti pour Rome.
Les prêtres – oui, le
célébrant a un vicaire, la trentaine également, cheveux longs et grosse barbe,
carrure de rugbyman : a côté de « Jésus » il ressemble a un
pêcheur du lac de Tibériade(!) – les prêtres donc nous proposent une salle et
des « pasta »: nous les remercions. Nous nous installons et dévorons
les pâtes que l’on nous a apportées avec des tomates et du pain. Denis nous
rejoint plus tard. Il parle beaucoup et enchaîne anecdote sur anecdote. Mes
yeux se ferment mais Denis, qui engloutit bruyamment sa tranche de pastèque, ne
semble pas s’en apercevoir. Il tripote nerveusement sa coquille en reniflant,
occupé à intercaler une syllabe entre deux déglutitions. A court de récits,
nous lui faisons part de notre projet – certes moins héroïque – de nous
coucher, ce que nous faisons sans tarder.
30/07 CERTALDO /
POGGIBONSI
Nous arrivons vers 11h à Poggibonsi et entrons dans une
première église où une messe est commencée. Nous poussons la porte d’une église
voisine où une autre messe se prépare, et interpellons un jeune prêtre qui dit
être le vicaire. Nous lui demandons l’asile. Il réfléchit. L’homme a une
trentaine d’années avec une bonne calvitie et les côtés très courts. Il est de
stature moyenne et assez corpulent. Il passe un coup de téléphone à un
monastère de franciscains: ils pourront nous accueillir, mais en fin
d’après-midi, quand un groupe de jeunes aura libéré les lieux.
Le père dit sa messe, une
messe avec beaucoup de jeunes et animée par eux: une première depuis notre
séjour en Italie! Puis il nous conduit à la fin à un endroit où nous pourrons
manger. Le lieu en question est un petit restaurant familial, simple mais de
grande qualité. A notre grande surprise – et joie – il nous laisse aux bons
soins de la patronne à laquelle il a expliqué que nous étions deux
séminaristes. Il avait d’autres engagements pour ce midi, c’est pourquoi il ne
peut rester avec nous, mais il nous donne une consigne: « mangez ce que
vous voulez, c’est la paroisse qui paye! ». Nous commandons
raisonnablement mais sans nous priver pour autant. Nous passons un moment
« délicieux ». A 15h30, et suivant les indications du curé, nous nous
faisons emmener en voiture jusqu’au monastère. Il nous y rejoint plus tard pour
négocier notre hébergement avec un ENORME franciscain fagoté dans sa bure et
qui grommelle quand il ne crie pas. La chose semble poser des problèmes et
notre curé lève souvent les yeux au ciel, l’air exaspéré. Le gros franciscain
finit par nous ouvrir deux belles chambres avec salles d’eau mais nous fait
expliquer qu’il nous faudra nous débrouiller pour manger ce soir. Le curé nous
dit désolé qu’il y a un bar tout près où nous pourrions trouver quelque chose.
Nous leur demandons si nous pourrons en temps voulu faire chauffer une soupe.
Il nous dit que nous n’aurons qu’à sonner chez les frères.
A l’heure dite, nous nous présentons
timidement avec notre sachet de riz. Pris de pitié, un frère nous dit que nous
partagerons leur repas du soir. Nous remballons notre riz avec joie.
Nous revivons un peu ce
soir-là le souper de Pontremoli, chez les capucins: même disposition en « U »
des tables, même buffet « libre–service »...la ressemblance va même
jusqu’aux personnages. Ici, le gros franciscain grognon et qui parle fort
terrorise un frère nonagénaire qui visiblement travaille du chapeau mais se
défend avec vivacité quand on le contrarie. Ce dernier d’ailleurs nous pose
trois fois la même question à quelques minutes d’intervalle pour nous faire
trois fois la même réponse. Le gros moine s’endort, appuyé sur son poing, à
chaque fin de phrase, visiblement assoupi par la généreuse platée de pâtes
qu’il vient d’ingurgiter. Il se réveille en sursaut juste pour s’en prendre au
vieux frère, rire bruyamment, et se rendormir.
Nous les remercions et
faisons nos adieux car nous essaierons de partir à 6h le lendemain. Nous
finissons la journée en mangeant une « gelatto »: c’est dimanche...
31/07 POGGIBONSI / SIENNA
Nous partons donc très tôt et profitons de la fraîcheur
du petit matin. Ne trouvant aucune ville ou village sur le chemin, nous
marchons sans faire de pause jusqu’à une heure avancée de la matinée. Quand
enfin nous décidons d’arrêter pour faire une pause, nous voyons se profiler ce
qui semble être une grosse ville. Nous y achèterons quelques provisions pour
attendre Sienne. Nous approchons, approchons, quand, ô surprise, nous apercevons
le panneau Sienna.
Nous y sommes arrivés. Un curé nous
suggère de tenter notre chance chez les dominicains. Mais avant d’aller plus
loin, nous décidons de téléphoner aux séminaristes de Brescia pour savoir où
ils en sont. Coup de fil: surprise, ils sont à quelques centaines de mètres de
nous, juste devant l’église des Dominicains. Ils se renseignent pour le repas
de midi et pour nous. Quant à eux, ils sont logés au séminaire de Sienne, mais
ce dernier est situé à 7 / 8 km de la ville. Nous les retrouvons: pour les
Dominicains, « non e possibile », et nous déambulons dans les rues à
la recherche d’un repas offert. Finalement, c’est un franciscain qui, après
d’âpres négociations, nous partage son repas.
Trop fatigués, nous
décidons de laisser nos amis visiter Sienne. Nous, nous irons au séminaire en
bus – ils ont averti de notre arrivée – et nous nous y reposerons.
Arrivés au séminaire, on
nous accueille sans problème et l’on nous installe dans une chambre double. Au
repas du soir, nous retrouvons Andrea, Alessandro et Jordan, nos amis de
Brescia. Nous mangeons avidement et…au lit !. Demain, nous visiterons
Sienne alors que les séminaristes quitteront la cité où ils étaient arrivés un
jour avant nous.
01/08 JOURNEE A SIENNE
Nous prenons le petit déjeuner puis allons en bus à
Sienne. La journée est consacrée au tourisme. Nous visitons entre autres San
Domenico, où est conservée – et exposée – la tête de Sainte Catherine (...de
Sienne évidemment!) .
Le soir, don Gianni – un diacre dont nous avons fait la
connaissance au séminaire de Sienne – nous emmène voir San Giminiano, « la
ville aux 100 tours ». La promenade nocturne dans les ruelles du bourg
médiéval est très agréable et s’achève par une glace prise dans une des
meilleures gelatteria d’Italie.
Don Gianni est plutôt fort,
sympathique, et ressemble furieusement à Andreï, un séminariste roumain que
nous connaissons. Nous rentrons assez tard à Sienne et nous couchons sans
tarder.
02/07 SIENNA / BUONCONVENTO
Nous arrivons dans l’après-midi à Buonconvento et sonnons
au presbytère. Le curé ouvre. J’explique la situation. Il nous répond que nous
pouvons nous installer là – il désigne une large salle – et que en haut des
marches à gauche nous trouverons de quoi nous laver. Puis il disparaît. Total:
15 secondes! Hormis à la messe à laquelle nous irons le soir, nous ne le
reverrons plus.
Le sacristain, plus
entreprenant, nous propose à manger, mais il nous faudra pour cela attendre un
peu. Il est alors 19h20. A 21h, rongés par la faim, nous désespérons de pouvoir
avaler quelque chose quand font irruption trois jeunes portant triomphalement
une assiette de pâtes. Il faut savoir pour la petite histoire, que entre temps
étaient arrivés deux scouts – un garçon et une fille d’une quinzaine d’années –
et que l’assiette est donc pour quatre. Le plat ne fait pas long feu. Le repas
est surtout l’occasion de faire connaissance avec les scouts et un jeune
Allemand qui a trouvé refuge ici aussi avec son compagnon et qui va à Rome à
pied.
La conversation est
trilingue. Nous jonglons avec l’anglais pour parler avec l’Allemand, l’italien
pour les scouts, et le français entre nous. Les jeunes scouts sont éreintés:
ils font entre 6 et 10 kilomètres par jour ( !!!) : c’est la première
fois qu’ils en font autant. Les Allemands quant à eux sont partis d’Allemagne
mi-juin et se sont reposés une semaine au bord de l’Adriatique pour perdre le
temps en trop.
Nous nous couchons pour oublier la faim qu’une glace
achetée n’a pas réussi à apaiser.
03/08 BUONCONVENTO
/ SAN QUIRICO D’ORCIA
Nous arrivons assez tôt à San Quirico, et bien sûr, le curé n’est pas là!
Nous décidons de manger et
trouvons asile sous un pont à la fraîcheur duquel nous pouvons nous reposer.
Nous nous endormons, et pourrons dire ainsi que nous avons dormi sous les
ponts!
Alors que nous buvions à
une fontaine, un homme apparu à une fenêtre nous hèle. Il nous demande si nous
avons un lieu pour dormir. A notre réponse négative, il appelle avec son
téléphone une dame qui arrive bien vite et nous ouvre un gîte. Elle nous montre
les lieux. Enthousiasmés, nous la remercions chaleureusement. La chaleur
retombe soudainement quand elle nous demande 7000 lires chacun (23 frs)…
Gloups!! Nous réglons en nous jurant qu’à l’avenir nous demanderons si c’est
payant ou non. Enfin, nous avons un toit! Reste à trouver le curé... Le soir arrive et nous allons à la
messe. Le prêtre devrait être là...enfin, normalement! Il nous salue, nous le
lui rendons puis lui demandons si nous pouvons partager son repas du soir (en
fait, la véritable formulation était un peu plus pathétique, du style :
« avez-vous quelque chose à manger, pour
nous? »
Ce n’est pas de la grande
littérature, mais quand on ne connaît pas la langue, on bricole comme on peut!
Il sourit aimablement en disant:
« certainement,
rendez-vous ce soir à 20h au presbytère »
Nous sommes à l’heure. IL
nous annonce que nous aurons de la compagnie à table. En effet, trois
séminaristes viennent d’arriver. Nous pensons immédiatement à Jordan, Andrea et
Alessandro.
Gagné! Quelle n’est pas leur surprise en nous voyant déjà
installés à table! Nous sommes contents de les revoir. Le curé est vraiment
gentil et le repas, hétéroclite mais bon, nous rassasie amplement.
Demain nous partirons pour
Radicofani, dans la montagne. Le départ est fixé à 6h. Nos amis feront de même
s’ils ont le courage.
04/08 SAN
QUIRICO D’ORCIA / RADICOFANI
Six heures. Les Italiens ne sont pas là. Nous partons quand même. Nous
nous retrouverons à Radicofani (Radio Fani
comme dit Alessandro qui se trompe tout le temps et que nous charrions
gentiment).
La route est assez tranquille puis monte sévèrement au
milieu d’un paysage désert et quasi lunaire. Presque aucune culture, pas un
arbre, uniquement des pâturages ou des collines rases, des terres retournées.
Au loin nous apercevons Radicofani et sa tour médiévale qui le surplombe de
façon impressionnante – ou bien « phénoménale » comme dirait
François... Enfin nous y arrivons et
frappons chez le curé. Il nous accueille gentiment et nous invite à manger (il
est midi). Surprise! Deux couverts ont été prestement rajoutés, ce qui nous
donne l’impression d’avoir été attendus. Nous mangeons avant de le suivre dans
la maison de la paroisse qui sert de gîte. En sortant nous tombons sur nos
séminaristes. Andrea porte un grand plat de pâtes. Ils ont fait vite: à peine
arrivés, ils ont trouvé un refuge – la maison où nous installe le curé – et une
âme charitable pour leur faire à manger. Ils sont décidément très forts!
Nous nous installons pour
déménager aussitôt chez le curé, car le gîte va être occupé par 8 marcheurs qui
avaient prévenu, EUX! ...tant pis, nous serons bien quand même. Nos amis
« négocient » le repas du soir chez le prêtre, ils l’obtiennent...et
nous avec!
La messe à laquelle nous assistons est celle de la St
Jean-Marie Vianney. Nous en sommes très heureux car c’est un jour de fête pour
nous. Nous promettons aux séminaristes une glace pour fêter ça.
Malheureusement, après le repas ils doivent témoigner devant des scouts et
n’auront pas le temps: ce n’est que partie remise. Nous nous mettons au
« lit » tôt car le lendemain nous voulons partir à 6h.
05/08 RADICOFANI /
AQUAPENDENTE
Un déluge matutinal nous oblige à différer notre départ
d’une demi heure, ce qui nous vaut les ricanements et les quolibets de nos
compagnons qui miment notre air résolu de la veille. Nous partons quand même
avant eux.
A Aquapendente, nous nous adressons tout de suite aux
Clarisses, comme convenu avec les séminaristes, c’est là qu’ils doivent nous
rejoindre. Ils arrivent 25 minutes après que nous nous sommes installés, et
obtiennent à leur tour gîte et couvert – du moins pour le midi. Pour la
« cena », ils verront plus tard. Les Clarisses nous préparent un bon
repas que nous apprécions fort.
L’après-midi , les
séminaristes dégotent un prêtre qui se propose de nous offrir le restaurant
pour le soir: quel luxe!
Après la messe, nous allons
donc dans le restaurant indiqué où un repas nous a été préparé. Ensuite, nous
offrons à nos amis la glace promise la veille. Enfin, pour clore la soirée, nous
allons vers une fête organisée par une association de don du sang et d’organes,
un concours de gâteaux. Le principe est simple: 91 gâteaux ont été
confectionnés, tous différents, les meilleurs sont récompensés par un prix, une
coupe. Sur une estrade, un animateur et un accordéoniste essaient de mettre de
l’ambiance. Mais le meilleur dans cette fête, c’est que la foule des badauds,
dont nous sommes, munie d’une assiette, va pouvoir goûter tous les gâteaux et
se faire son opinion.
Nous nous glissons dans la
foule – où nous reconnaissons l’Allemand de Buoconvento, hilare et visiblement
très heureux de se voir offrir le dessert. Nous arrivons fébriles devant les
tables, et là, ô merveille, des dizaines de gâteaux rivalisant de crème et de
chocolat, aux formes variées et recherchées. Jordan explique aux dames que je
suis français et que je vais à Rome à pieds. Emues, elles remplissent mon
assiette de toutes sortes de gâteaux. Je les remercie et désigne de la
fourchette les plus appétissants en disant « questo...questo...e...questo! »,
les yeux dilatés, réalisant un rêve d’enfant.
Gavés, nous regagnons tant bien que mal le monastère des
Clarisses et nous affalons sur nos
matelas.
06/08 AQUAPENDENTE /
GRADOLI
Après quelques kilomètres de marche, nous quittons nos
amis pour suivre la rive gauche du lac de Bolsena (long d’une dizaine de
kilomètres). Nous nous retrouverons à Viterbo (normalement!).
Nous obliquons vers
Gradoli, village situé un peu en hauteur par rapport au lac.
Le curé n’est pas chez lui.
On nous apprend qu’il a été invité au restaurant. Nous achetons un
croissant...et une glace: ce sera notre repas du dimanche midi.
Nous attendons jusqu’à 17h,
le temps de rencontrer un monsieur un peu original qui nous salue, passe, puis revient avec une feuille enluminée
(...à l’ordinateur) où est imprimé un poème de sa composition: une ode à
Gradoli!
Nous finissons par
rencontrer le curé. Il est très gentil et nous installe dans une salle. Ce soir
là, il doit aller chercher sa mère – la fameuse mama – et ne pourra nous
recevoir. Qu’à cela ne tienne, nous n’aurons qu’à aller manger dans une auberge
à 20 mètres de là. Il nous offre le repas. Nous le remercions chaleureusement.
Le soir venu, nous filons à
ladite auberge où la patronne se fait un plaisir d’expliquer les plats qu’elle
propose. Nous optons pour une pizza (ça
nous changera des pastas) . Une fois englouties les deux énormes pizzas – une
chacun je vous rassure – nous décidons de commander aussi des pâtes auxquelles
nous faisons subir le même sort. Nous sortons prendre le dessert « en
ville », puis rentrons nous coucher.
07/08 GRADOLI / MARTA
Nous allons à la messe puis prenons le petit déjeuner
chez le curé – préparé par la mama – après quoi nous profitons du bus qui
emmène les enfants à la plage pour descendre.
Nous longeons le lac
pendant quelques kilomètres. Le sentier n’est pas toujours goudronné et est
tranquille. Nous arrivons vers midi à l’extrémité du lac où se trouve la ville
de Marta. Nous trouvons non sans peine
la cure. Bien entendu, le curé n’est pas là! L’Interphone voisin nous
crachouille qu’il est « a la mar » (sûrement au lac, c’est un peu
exagéré) avec les enfants qui préparent leur communion. Nous devrons donc
attendre son retour. Nous mangeons puis décidons de tenter notre chance au
village voisin de 3 km. En cours de route nous découvrons une plage déserte et
décidons d’y faire une halte. La halte s’éternise et se termine par une
baignade animée qui nous mène jusqu’à 17h, après quoi nous retournons
finalement à Marta. Dans ce qui sert
d’église, jouxtant le presbytère, nous tombons sur ce que nous croyons être le
chapelet, et qui s’avérera être en fait le « salut » à sainte Marthe,
patronne et protectrice de la cité.
A la fin, don Roberto – un
prêtre d’une quarantaine d’années, barbu et bien mis – nous aperçoit et nous
salue gentiment. A notre demande d’hospitalité, il répond facilement
« certamente! », mais nous demande d’attendre un peu: il va célébrer
une messe et revient.
Une heure et demi plus
tard, il est de retour et nous introduit là où nous pourrons nous mettre. Nous
nous installons et attendons...attendons...attendons...Le prêtre a une fois de
plus disparu. Il réapparaît vers 21h pour entamer une longue conversation avec
deux jeunes. Nous attendons...quand enfin il vient nous voir et nous demande si
tout va bien. Nos estomacs qui crient famine – le repas de midi a été frugal !
– nos estomacs donc parlent pour nous dans la langue internationale des
borborygmes (une sorte de « glouglou »). Je lui demande timidement
s’il aurait quelque chose à manger. Avec empressement et compréhension, il nous
entraîne dans ses appartements et dresse une table avec tout ce que contient
son frigo. Nous le remercions par d’incessants « grazzie, grazzie »
auxquels il met fin rapidement. En apprenant que nous venons d’Ars, il
écarquille les yeux, admiratif et envieux. Il me montre aussitôt son oratoire
où ne trône qu’une seule statue de saint: celle du St curé d’Ars.
Il ne peut malheureusement
pas rester, il doit mener une procession, à 15 km de là. Il disparaît en nous
laissant face à notre festin. Nous ne remettons que peu de choses dans le
frigo. Avant de partir, il nous avait proposé d’occuper une chambre avec un
lit, ce que nous avions accepté. C’est donc sur du « mou » que nous dormirons
cette nuit-là.
08/08 MARTA / VITERBO
Le lendemain nous assistons à la messe. A la fin de
celle-ci, nous pénétrons dans la sacristie pour remercier don Roberto. Il nous
demande seulement de prier pour lui et nous remet un sac de petits gâteaux
qu’il vient d’acheter chez le pâtissier. Il nous présente aussi une dame qui se
propose de nous offrir le petit déjeuner. Elle nous conduit jusque chez elle en
voiture. Là, elle donne ce qu’elle vient d’acheter: deux parts de pizza, du
pain frais et une brioche aux raisins que nous emporterons pour la route. Elle
nous fait un jus de légumes et de fruits plein de vitamines, ainsi que deux
œufs au plat (de ses poules). Nous prenons des forces.
Elle converse avec nous,
émue, en nous disant sa joie de nous recevoir. Puis nous parle de sa fille et
de son gendre (un juif, très très gentil) qui font le tour de l’Espagne en
bateau. En nous quittant, elle a presque les larmes aux yeux, et tient à nous
offrir quelques poires de son jardin.
Nous la remercions et
partons.
Nous arrivons en milieu d’après-midi à Viterbe, la ville
des papes après Rome...et Avignon. Nous nous dirigeons aussitôt vers le
séminaire à côté de la cathédrale. Nous sonnons. Des sœurs nous répondent et
viennent nous ouvrir la porte. Après un rapide examen de nos cartes de
séminaristes, elles nous laissent nous installer dans une salle où nous
attendons « le » prêtre. Arrive alors un jeune prêtre zaïrois qui
nous souhaite la bienvenue et nous montre les sanitaires. Nous prenons une
douche, froide mais revivifiante, et décidons de visiter la ville. Nous
déambulons dans la cité médiévale, visitons la salle du conclave – le fameux
conclave de 1268 – et une église qui sert de « QG » à une confrérie
dédiée à sainte Rose, protectrice de la ville. Elle est composée d’hommes qui
sont sélectionnés pour leur force. Ils doivent en effet balader tout autour de
la ville une gigantesque construction de bois et de métal, de 30 mètres de haut
et de 5 tonnes. L’édifice ressemble à une flèche de cathédrale surmontée de la
statue de la sainte. La confrérie semble très soudée, ceci est aisé à
comprendre quand on sait qu’elle affiche fièrement une tradition vieille de 700
ans.
Nous quittons la confrérie
de Sainte Rose pour nous diriger vers le sanctuaire de la sainte éponyme,
occupé par des clarisses. Dans une chasse est conservé depuis le XIIIème siècle le corps de sainte Rose. Celui-ci
s’est momifié naturellement. Les traits persistent, mains et pieds ont gardé
leur forme et leur finesse.
Nous trouvons sur le parvis
trois pèlerins italiens qui cherchent asile. Ils vont tenter chez les
Clarisses.
Nous rentrons au séminaire
où nous prenons le repas du soir avec le père Zaïrois. La « cena »
préparée par les petites sœurs est succulente et variée. Le père tire au milieu
de la pièce un téléviseur dont le bruit parasitera toute notre conversation.
Entre deux publicités stupides, nous apprenons que le père est professeur au
séminaire et qu’il est titulaire d’un doctorat de théologie morale. Il nous
explique ses théories, un œil sur la télévision, un autre sur son morceau de
fromage. Une fois le repas fini, nous le saluons et allons dormir.
09/08 VITERBO /
RONCIGLIONE
Nous remercions les sœurs pour leur accueil et partons
pour Ronciglione où la communauté du Foyer de Charité nous attend car j’avais
passé un petit coup de fil la veille (une fois n’est pas coutume!).
En cours de route nous
trouvons les trois pèlerins de sainte Rose, visiblement épuisés, qui font une
halte. En effet la route monte fortement dans la montagne. La végétation devient
septentrionale: châtaigniers, sapins etc. Heureusement, la route est ainsi
ombragée.
Nous arrivons devant ce qui
correspond à la description du Foyer: une grande porte cochère qui s’ouvre sur
une façade rose. Nous pénétrons dans la cour intérieure et voyons aussitôt
sortir à notre rencontre un prêtre, plus ou moins 45 ans, qui nous souhaite la
bienvenue. C’est le père Pierrick RIO, un Breton – et fier de l’être, c’est peu
dire! Il nous introduit dans la salle où finit de manger la petite communauté: Chily,
Rosi, Christiane et le Père.
Ils nous offrent à manger,
après quoi Christiane, de Châteauneuf, nous montre nos chambres dans les
dépendances, puis nous laisse. Nous nous reposons et sortons pour profiter du
petit lac. Il semble proche, mais les rives, situées sur des propriétés
privées, sont inaccessibles. Après avoir bien marché – pour changer – nous
devons rentrer « bredouilles ». Nous croisons le Père qui, pris de
pitié, se propose de nous y mener en voiture. Cela lui donnera – dit-il –
l’occasion de se baigner aussi. Nous passons donc un agréable moment, même si,
frigorifiés, nous sortons au bout d’½ heure. Après l’office, nous prenons le
repas. Le Père est très détendu et nous raconte quelques histoires bretonnes en
enflant, pour rire, la spécificité bretonne et la rivalité avec les Normands,
pour la plus grande joie de François, amusé par cette guerre franco–française,
oh! Pardon, franco–bretonne!Nous disons les complies avec la communauté et
dormons.
10/08 RONCIGLIONE
/ COMPAGNANO DI ROMA
Nous reprenons la route après le petit déjeuner, heureux de cette
parenthèse francophone dans notre voyage.
Nous empruntons une route
qui ressemble à s’y méprendre à une autoroute. Heureusement qu’une large bande
sur le bas-côté nous permet de marcher en sécurité. En cours de route, nous
croisons – et dépassons un temps – les trois pèlerins de Milan . Ils ont prévu
de s’arrêter un village avant nous.
Nous quittons cette grosse
route et montons, montons, il fait très chaud.
Arrivés dans le village,
nous commençons à nous renseigner quand soudain une voiture s’arrête, et un
homme, la soixantaine, en descend. Il nous salue. J’en profite pour lui
demander don Renzo, le curé du village et l’ami de celui de Gradoli. C’est
lui-même. Il nous invite à monter dans la voiture. C’est donc en roulant que
nous faisons le dernier kilomètre. Cette fois-ci on ne peut plus douter de la
Providence!
Il nous installe à
l’oratorio dans un pièce jonchée de matelas: nous avons l’embarras du choix.
Nous nous reposons.
En fin d’après-midi , nous
voyons arriver les trois milanais qui n’avaient pas trouvé accueil dans le
village précédent, et pour cause, c’était un hameau plus qu’un village!
Le soir, un monsieur vient
nous apporter un carton rempli de pizzas, de beignets de riz et de fruits. Nous
optons pour l’anglais pour la conversation du soir avec nos compagnons, ce sera
toujours mieux qu’en italien. Les « Milanais » s’avèrent être
ingénieurs pour les deux plus jeunes (deux frères), et professeur de biologie
pour le plus « âgé » (une quarantaine).Le curé revient faire un tour
pour voir si tout va bien. Nous le remercions et allons dormir.
11/08 CAMPAGNANO
DI ROMA / LA STORTA
Nous nous embrouillons pour sortir de la ville, ce qui nous fait manquer
la messe à laquelle nous avions prévu d’assister. Nous rejoignons enfin
l’autoroute. Nous marchons assez bien et d’un bon pas, ce qui nous fait prendre
une avance confortable sur notre
horaire.
Nous atteignons enfin La
Storta, qui s’avère être la banlieue de Rome. C’est une grosse ville toute en
longueur avec au bout, en hauteur, sa « cathédrale ». Nous y montons.
A côté, l’évêché. Une pancarte signale que le curé – le chanoine – est absent.
De fait, il célèbre des obsèques à l’église. Nous décidons de l’attendre, assis
sur nos sacs, à la sortie. Une dame – avenante, avec une certaine classe – nous
apostrophe. Elle semble apprécier notre aventure et se propose de nous aider.
Sur ce, la messe a pris fin, et nous « sautons » sur le curé. C’est
un octogénaire, en clergyman, et son accent français est parfait… et pour
cause, il est français! Il s’appelle Charles Bessonet, et est arrivé en Italie
comme jeune secrétaire d’un cardinal. Il est resté et est devenu vicaire
général. C’est une figure aimée et respectée dans le diocèse. Il a baptisé et marié
la plupart des gens. Il est heureux de nous rencontrer et nous emmène manger
dans un restaurant. C’est un homme bon et affable. Après le repas, il nous
ouvre une maison pour que nous nous y installions.
Après la sieste, nous
voyons arriver les milanais. Entraînés par les séminaristes de Brescia, nous
commençons à prospecter pour le repas du soir. Nous nous rappelons la
proposition de la dame devant l’église. Elle avait laissé ses coordonnées au
Père, au cas où! Nous filons voir notre curé (Charles) et nous lui faisons part
de notre idée. Il téléphone à la dame en question. C’est dans la poche, nous
sommes attendus pour manger – avec le curé – et nous resterons dormir car ils
ont des dépendances confortables. Le curé nous avouera par la suite avoir été un
peu gêné vis à vis de ces gens, mais au fond cela lui a permis de retrouver
d’anciens paroissiens qu’il avait perdu de vue: nous étions donc la providence
– drôle d’inversion des rôles!
Nos hôtes, les derniers de
ce périple, sont des aristocrates de la noblesse romaine. Une illustre famille
qui a donné à l’Eglise des cardinaux et à l’Italie des princes: monsieur et
madame Morichelli d’Altemps. Ils ont une très belle maison et effectivement des
dépendances confortables.
Le repas est pris sur la
terrasse, dans la douceur vespérale d’une brise romaine, en compagnie entre
autres de la fille de la maison, Ilaria, une ravissante fille blonde au teint
hâlé qui est skipper quand ces études de philo lui en laisse le temps. Ce
soir-là nous parlons anglais avec Ilaria et italien avec ses parents. Ceux-ci
sont simples et vraiment agréables. Nous passons un excellent moment et le
repas est succulent. A la fin, nous remercions chaleureusement le chanoine et
allons dans nos appartements.
12/08 LA STORTA / ROMA, Saint Pierre de Rome
Le matin venu, et après un solide petit déjeuner, nous
quittons nos hôtes et prenons la route de Rome. C’est Ilaria qui se propose de
nous reconduire jusqu’à notre route en voiture. Nous acceptons de volontiers.
Nous prenons la Via Triomphale, qui mène jusqu’au Vatican, terme de notre
pèlerinage.
Les 20 derniers kilomètres
sont un mélange d’action de grâce et déjà de nostalgie. Nous ne quittons pas la
ville, et le passage de La Storta à Rome passe quasiment inaperçu. Nous
apercevons très vite le dôme de Saint Pierre de Rome qui nous guide. Après une
ultime erreur d’orientation qui nous vaut quelques kilomètres supplémentaires,
nous descendons dans la ville, longeons les murailles du Vatican et arrivons en
vue des colonnes du Bernin, de la place Saint Pierre. Nous croisons beaucoup de
monde, surtout des jeunes en tee-shirt bleu – les volontaires des GMG – qui
viennent d’avoir leur messe avec le Pape. Nous passons les colonnes et nous
sommes au Vatican.
Au milieu de la foule
électrique et bigarrée, deux pauvres marcheurs, barbus et hébétés, tombent dans
les bras l’un de l’autre. Une grande émotion les a saisis et ils osent à peine
croire qu’il y a 42 jours, pâles et glabres, Rome leur paraissait si loin…
Et maintenant, elle est
loin la Dora Baltea aux eaux tumultueuses, loin les cols neigeux du Val
d’Aoste, loin les rizières monotones de Lombardie, les douces et ocres
collines de Toscane, les coteaux sucrés
du Chianti, le vent salé du bord de mer, les treilles écrasées de soleil où
l’on échappait aux ardeurs du zénith;
loin aussi tous les visages rencontrés … et pourtant si proches par le
cœur et la prière.
Les deux marcheurs savent
que de cette expérience il leur restera le sens de l’abandon, de la providence,
une foi différente et une amitié renforcée.
Dans 2 jours les JMJ
commenceront. Ce sera un autre temps fort, plus bref celui-ci, différent, mais
porteur de grâces également.
Il
faut cesser de rêver. La foule déjà se disloque en lambeaux multicolores et
joyeux, et nous pousse vers l’extérieur. Il nous faut appeler nos amis de
Brescia pour savoir où nous dormirons ce soir et où nous mangerons. L’aventure
continue...mais la route, elle, est finie.FIN
Postface...
Nous avons rejoint les séminaristes de Brescia qui
logeaient depuis la veille chez des Salésiens, à ½ heure du centre. C’est là
que nous avons passé les deux nuits restantes. Nous mangions chez des sœurs
grâce à un aumônier militaire – gentil mais un peu maniéré – qui nous avait
obtenu cette faveur. Le 14, nous avons rejoint la paroisse des Français (dans
le Trastevere) où nous allions loger durant les JMJ.
Le reste est aussi une belle histoire… mais c’est une
autre histoire.
Que l’on me permette dans ces quelques lignes plus
informelles de laisser libre cours à ma reconnaissance. Reconnaissance tout
d’abord au Seigneur, maître de nos vies et de nos routes, d’avoir eu pitié de
ses serviteurs et de leur avoir manifesté sa tendresse à travers d’autres
hommes. Au delà de la nourriture, qui fut ô combien nécessaire, c’est aussi la
charité et le sourire de nos hôtes. Merci donc à eux qui nous ont ouvert leur
porte et servi la « soupe ».
Merci à ceux qui sur la
route, par leurs renseignements ou un verre d’eau fraîche, nous ont permis
d’avancer.
Merci enfin à mon compagnon
de route et ami, François, d’avoir supporté mes sautes d’humeurs, mon mauvais
caractère et mes insuffisances nombreuses; qu’il sache combien sa patience et
sa constance m’ont aidé et m’aideront encore sur ma route.
« Rendez grâce au Seigneur il est bon, éternel est son amour »
Psaume 117
Article paru sur le
site officiel des JMJ de France d’après un témoignage donné le lendemain de
notre arrivée.
Rome Direct > portraits >
jeunes
Michaël
a 25 ans, il est français. François a 22 ans, il est québécois. Tous les deux
sont séminaristes à Ars, dans l'Ain. Ils viennent de rallier Rome depuis la
France. A pied, et en mendiant. Ils sont partis le 1er juillet dernier du petit
Saint-Bernard, à la frontière franco-italienne, et sont arrivés samedi 12 août
à Rome. Ce dimanche, ils sont passés rendre visite à la délégation française à
la Trinité des Monts. Rome Direct a recueilli le témoignage de cette aventure
exceptionnelle.
Michaël
et François ont suivi la Via Francigena, suivie par les pèlerins dès le moyen
âge pour rejoindre Rome. Cette trace a été retrouvée grâce aux notes de voyage
de l'archevêque de Canterbury, qui avait noté toutes les villes étapes de son
trajet. Ce n'est évidemment pas le trajet le plus court : il représente, pour
la partie italienne depuis le petit Saint-Bernard, pas moins de 1000 kilomètres
! A vrai dire, la route n'existe plus : "nous sommes partis uniquement
avec les noms de villes, et nous avons reconstruit la route" explique
Michaël.
Si les deux jeunes séminaristes
se sont lancés dans l'aventure, c'est d'abord parce qu'ils avaient "du
temps pour le faire", mais surtout pour se replonger dans une perspective
historique : mettre ses pas dans ceux de générations de pèlerins des siècles
précédents. Comme le raconte François : "souvent, on nous a accueillis en
nous disant : « là, vous êtes dans une hôtellerie qui a servi au
moyen âge ».
Accueillis.
Ce mot est au cœur de leur expérience. Car François et Michaël ont, au sens
propre, cheminé comme des mendiants. Pour la nourriture et l'hébergement, ils
ont demandé chaque soir. Frappé aux portes, jusqu'à trouver quelqu'un qui leur
ouvre sa maison... et bien souvent son cœur : "Le pèlerin porte ses
bagages, bien sûr, mais il porte aussi les prières des autres, raconte Michaël.
Ils y a des gens qui nous ont confié leurs intentions... et même de l'argent :
nous avons 40.000 lires pour allumer des bougies à Rome !". Bien sûr, les
conditions d'accueil ont varié du tout au tout : du festin royal offert en leur
honneur au couchage à même le sol dans une ancienne église en travaux.
Michaël poursuit : "On
a traversé des moments de désert, et les oasis, ce sont les lieux d'accueil et
les personnes rencontrées. Voyager, c'est surtout rencontrer des gens. Les
paysages... oh, oui, on en a vu de beaux mais ça ne m'a pas tellement marqué.
Alors que les gens ! Toutes ces personnes qui nous ont accueillis. J'ai noté
leurs noms, on a un carnet plein d'adresses. A notre retour nous leur écrirons,
nous les remercierons et nous leur parlerons de notre pèlerinage."
Le
regard des marcheurs est profond. On sent que le pari, le défi, n'ont pas leur
place dans leur histoire. Ils sont au contraire remontés au plus exigent de la
démarche du pèlerinage. "Le Providence, ce n'est pas un dû, c'est un privilège.
« On ne sait jamais ce qui nous attend », raconte François. « On
a expérimenté ce que disait le curé d'Ars : être pauvre et tout recevoir de
Dieu ».
L'engagement
personnel incroyable de cette démarche n'est pas non plus celui
d'individualistes. A l'inverse, la route des séminaristes a croisé celles des
personnes et des communautés rencontrées. François explique : "On a
retrouvé le sens du pèlerin : ils portent les intentions des autres, et les
déposent à l'arrivée. On recevait beaucoup des gens, mais en échange, on se
demandait "qu'est-ce qu'on peut leur donner ?" Ils nous donnaient et
nous demandaient de prier pour eux. Ca ravive notre foi." "Pourtant,
c'est parfois humiliant de recevoir, tempère Michaël. Donner, ce n'est pas si
difficile, mais recevoir…!"
Michaël
a été marqué par cette épreuve d'humilité, qui est surtout une épreuve
d'humanité. "Par moment, on n'avait plus en tête qu'une seule idée,
manger, ou dormir. Dans ces moments-là, on fait vraiment l'expérience qu'on est
incarné. On a une âme, mais on trimballe aussi un corps ! Heureusement on
priait en route, on a récité le rosaire tous les jours, et on a pu avoir une
messe presque tous les jours."
Heureusement aussi, les
séminaristes sont partis à deux. Bons copains du séminaire, il fallait bien ça
pour se supporter tout ce temps, et pour vivre ensemble des moments durs.
"La promiscuité surtout, dit François, c'est parfois très dur, quand on
souffre, quand on est sale, quand on se sent petit, faible, qu'on sent
mauvais... Mais on peut se soutenir, quand l'un se décourage c'est l'autre qui
le relève." Ils ont appris à se connaître, bien différemment des relations
nouées au séminaire. "On voit vraiment l'autre, dit Michaël. Les masques
tombent. Il a vu mes faiblesses, mes impatiences ; il a aussi dû voir ce qui
était un peu mieux. Mais on a aussi découvert chacun sa pauvreté".
Cette pauvreté n'est pas un
but. "C'est pour découvrir une autre grandeur. Sinon, c'est un constat
d'échec. J'ai pensé à ce qu'on a dit du Curé d'Ars : il s'était tellement vidé
de lui-même que Dieu s'est plu à l'habiter."
On pouvait imaginer que, pour une marche dans
la pauvreté mendiante, François d'Assise aurait été une référence, mais c'est
bien la figure du Curé d'Ars qui a accompagné les séminaristes. Sans doute parce
qu'eux mêmes sont actuellement au séminaire d'Ars, mais aussi parce que
Jean-Marie Vianney avait lui-même fait une démarche de mendicité à Lalouvesc en
Ardèche... au terme de laquelle, d'ailleurs, il avait déclaré que plus jamais
il ne le referait ! François et Michaël, eux, seraient prêts à revivre cette
aventure.
Bien sûr Marie avait aussi
une grande place dans leur cœur : le rosaire était récité chaque jour. "Le
rosaire, c'est vraiment la prière des pauvres et des pèlerins, on prie au
rythme de la marche" souligne Michaël. Une ferveur mariale d'ailleurs
partagée par les communautés traversées. "Nous avons découvert que Marie
nous précédait".
Michaël
et François sont aujourd'hui séminaristes. Demain, ils seront peut-être
prêtres. Que leur restera-t-il de cette aventure ? "La providence, répond
sans hésiter François. On est toujours trop logique, on veut tout raisonner, on
calcule trop, et ça ne marche pas. Il faut faire confiance. Quand nous serons
avec des communautés, avec des paroissiens, dans des épreuves, nous saurons que
Dieu nous mène, nous repenserons que Dieu était là."
Michaël, pour sa part,
repense à tous les prêtres qu'il a rencontrés : "On en a rencontré de très
différents, par l'âge, par le style, à tous points de vue. Et on a vraiment vu
comment un prêtre faisait son ministère. Parfois, c'était dans une grande
pauvreté. Et puis surtout, il faut savoir écouter. Bien sûr il faut enseigner,
c'est dans le rôle du prêtre, mais d'abord écouter, avoir cette proximité avec
toutes les souffrances, les joies, les espérances..."
Les deux pèlerins participeront à toute la suite des JMJ,
avec le diocèse de Valence. Ils rentreront avec eux : le groupe leur a gardé
deux places dans le car. Un peu comme autrefois on gardait la part du pauvre.